Lectures du jour :

(Aller aux lectures de la nuit de Noël !)

Première lecture : Is 9,1-6 ;
Psaume 95,1-3.11-13 ;
Deuxième lecture : Tt 2,11-14 ;
Évangile : Lc 2,1-14.

Noël !

Homélie :

Chers amis, qui vous retrouvez si nombreux ce soir dans cette église, qu’êtes-vous venu voir ? Qui êtes-vous venu rencontrer ? Qu’attendez-vous ce soir en venant ici ? Êtes-vous seulement venu accomplir une belle et ancienne tradition, ou bien attendez-vous ce soir un cadeau de Noël ? Croyez-vous que cette nuit est une nuit comme les autres, belle, certes, mais sans enjeu ? Ou bien croyez-vous que, cette nuit, quelque chose peut réellement changer dans votre vie ?
Personnellement, je suis là ce soir avec une demande très particulière, que je voudrais présenter à Dieu… je voudrais lui demander une grâce, ce soir, et peut-être voudrez-vous la lui demander avec moi. Quelle grâce ? Chers amis, je voudrais lui demander de me donner la paix. N’est-ce pas un beau cadeau à demander pour cette nuit de Noël ?

Nous avons commencé, tout à l’heure, par écouter Isaïe, qui parle ainsi, quelques siècles avant la naissance de Jésus : « Oui ! Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : "Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix." Ainsi le pouvoir s’étendra, la paix sera sans fin pour David et pour son royaume. Il sera solidement établi sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers. »
Isaïe est un prophète. Un prophète, c’est une personne qui a été saisie par l’Esprit de Dieu et qui, inspirée par lui, proclame à haute voix la Parole de Dieu. Isaïe fait une promesse de la part de Dieu, une promesse qui a traversé les siècles et dont l’accomplissement était très fortement attendu à l’époque de Marie et Joseph. Vous l’avez entendue, cette promesse : celle d’une délivrance de toutes les guerres, de tous les esclavages, de tous les massacres que l’humanité connaît tellement bien depuis la nuit des temps… et cette promesse doit s’accomplir par la puissance invincible d’un homme, descendant de David.
Chers amis, ne sommes-nous pas touchés par cette promesse ? Ne nous arrive-t-il jamais d’attendre de Dieu que, enfin, il agisse avec puissance en notre faveur ? "Seigneur, Seigneur, qu’est-ce que tu fais ? Ne vois-tu pas toute cette misère ? Qu’attends-tu pour voler à notre secours ? Qu’attends-tu pour faire quelque chose pour nous ?" À l’inverse, nous connaissons tous l’argument habituel : "Allons, Dieu n’existe pas ! S’il existait, il ne permettrait pas que tout ce mal arrive ! Les guerres, les massacres, la misère, les familles divisées, les enfants mal-aimés ! Si Dieu existait, il ferait quelque chose !"
Nous sommes, aujourd’hui encore, bien souvent dans la même situation que le peuple de Dieu entendant la promesse faite par Isaïe : nous attendons un Dieu puissant qui vienne régler, une fois pour toutes, tous nos problèmes. Un Dieu tout-puissant qui vienne, enfin, imposer la paix que nous n’arrivons pas à imposer nous-mêmes, dans nos familles, dans nos quartiers, dans notre pays, dans le monde entier. Une paix, évidemment, selon nos conditions…
Mais, en fait, n’est-ce pas nous qui sommes en guerre ? N’est-ce pas nous qui sommes en colère contre notre père, notre mère, notre époux, notre épouse, notre enfant, notre voisin, notre collègue, notre patron ? N’est-ce pas nous qui, dans notre cœur, entretenons une rancune tenace contre Untel ou Unetelle ? N’est-ce pas nous qui n’adressons plus la parole – ou alors seulement pour critiquer, incendier, insulter, dénigrer – à cette personne qui fut notre amie et qui, aujourd’hui, est devenue une ennemie ? N’est-ce pas nous qui, pour une peccadille ou pour choses plus graves, déchaînons les flammes de l’enfer contre cette personne qui s’est mal comportée envers nous ?
N’est-ce pas nous qui, si Dieu venait avec toute sa puissance, sa justice, sa splendeur et sa gloire, devrions nous planquer en espérant passer à travers le rétablissement du droit et de la justice ? Qui serait épargné ?
Je ne sais pas pour vous, mais moi, je sais que je risquerais bien de prendre très, très cher… et je le dis avec beaucoup de peine parce que, sérieusement, je ne sais pas comment je pourrais changer les choses dans mes relations avec certains. Trop compliqué. Trop de fierté en jeu. Il a vraiment été trop méchant, injuste, violent. Il n’y a pas de raison que ce soit moi qui fasse le premier pas… que je suis dur de cœur, mes amis ! Que je suis intransigeant ! Que je suis orgueilleux !

Cette nuit, mes chers amis, cette nuit merveilleuse, dans une pauvre étable d’une petite ville d’un petit pays perdu au milieu de l’immense empire romain, dont l’empereur est en train de compter les millions et les millions d’habitants sur qui il exerce le pouvoir avec une main de fer et un sceptre de plomb, cette nuit si semblable aux autres nuits, un petit enfant est né d’une vierge, Marie. Joseph, l’époux de Marie, l’a accueilli comme son propre enfant, ce tout-petit, ce nouveau-né, et lui a donné le nom de Jésus, « Dieu-Sauve ». Et Marie l’a couché, emmailloté, dans une mangeoire. Personne ne le sait, à part peut-être un bœuf et un âne qui étaient là un peu par hasard. « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné »…
Personne ? Quelques bergers arrivent, ils ont vu une armée d’anges dans le ciel qui leur a annoncé la nouvelle, et ils viennent adorer, sans trop bien comprendre… ainsi, c’est lui, l’enfant de la promesse ? Ce tout-petit ligoté dans une mangeoire, qui dort tranquillement ?
Chers amis, avez-vous déjà tenu un nouveau-né en train de dormir dans vos bras ? Je me rappelle mon père, 1,93m, me racontant ma propre naissance et décrivant son émotion, immense, devant le tout-petit que j’étais : il posait ma tête dans ses mains, et mes pieds n’arrivaient même pas à son coude… l’émerveillement, l’admiration, la paix qui descend dans le cœur de celui qui tient un tout-petit contre son cœur…

Chers amis, Dieu ne vient pas, dans cette nuit de Noël, comme un Dieu justicier qui vient imposer la paix, de gré ou de force, dans nos familles, dans nos villes, dans nos entreprises, dans nos pays. Dieu vient, dans cette nuit de Noël, comme un tout petit enfant, nouveau-né, infiniment fragile, paisible, confiant… et si nous sommes rassemblés ce soir, dans cette église, autour de cette crèche toute simple, avec les bergers, avec Marie et Joseph, c’est pour découvrir avec quelle tendresse infinie Dieu veut nous donner la paix : par un petit enfant, qui ne peut pas parler, qui ne peut rien faire, qui est ligoté dans ses langes, et qui dort calmement, paisiblement. Il ne fait rien, il est juste là, présent, offert à nos regards et à notre adoration.
Nous pourrions passer à dix mètres de cette étable et ne même pas nous rendre compte de ce qui s’y passe. Des gens passent en ce moment à quelques mètres de cette église et ne savent même pas ce que nous y faisons. Mais, puisque nous, nous sommes entrés, que nous avons suivi les bergers jusqu’ici, recevons avec eux, ce soir, ce cadeau immense de la paix, de la douceur, de la tendresse de Dieu, révélée par la présence toute simple d’un enfant qui dort auprès de sa mère.
Et, une fois cette messe de la nuit terminée, alors que nous aurons communié et que nous aurons accueilli Jésus dans notre cœur, rentrons chez nous avec ce trésor tout simple et pourtant extraordinaire : le Prince de la Paix dort dans notre cœur, et il nous donne, par sa simple présence, sa paix et sa joie, tout doucement, dans le silence…
Accueillons ce beau cadeau avec joie, avec confiance, laissons-le changer notre cœur, le remplir de cette paix et de cette douceur, pour que, à notre tour, nous puissions les répandre autour de nous, sans bruit, tout doucement, mais avec la puissance de Dieu qui sauve, cette nuit de sa naissance, le monde entier.