Lectures du jour :

Première lecture : Qo 1,2;2,21-23 ;
Psaume 89,3-6.12-14.17 ;
Deuxième lecture : Col 3,1-5.9-11 ; 
Évangile : Lc 12,13-21.

Homélie :

« Vanité des vanités, tout est vanité ! », clame l'Ecclésiaste, quelques siècles avant Jésus.
« Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ », nous dit saint Paul.

La résurrection du Christ, qui nous annonce notre propre résurrection, est en effet quelque chose de radicalement nouveau qui change le statut, la signification du "matériel".
Depuis la résurrection du Christ et sa promesse que, nous aussi, nous ressusciterons, nous ne pouvons plus en effet ni mépriser la matière, ni la diviniser.
Nous ne pouvons plus dire qu'elle est seulement "vanité", la méprisant comme l'Ecclésiaste ou les platoniciens considérant que la matière est prison de l'âme dont elle doit se libérer.
Nous ne pouvons plus l'adorer non plus, comme ceux qui se fabriquent des idoles ou qui se soumettent aux lois du monde matériel en agissant comme si elles étaient les normes ultimes de notre existence.

L’Ecclésiaste pose la question du sens de l'existence, et il ne peut pas y répondre. En fait, il a raison de répondre, dans l'état de ses connaissances de l'époque, que la vie n'a pas de sens, qu'elle est absurde, qu'elle n'est que vanité. Si notre vie se conclut par la mort, et puis c'est tout, effectivement, quel sens a-t-elle ? Aucun, sans doute. L'Ecclésiaste a raison de poser cette question, et il arrive à un moment où l'espérance de la résurrection des morts commence à poindre en Israël : il n'est pas possible que Dieu ait créé l'homme pour une vie absurde ! Il faut que cette vie soit éternelle ! Mais comment est-ce possible ?
Jésus, mort et ressuscité, répond à l'Ecclésiaste. La vie a un sens ! Le monde dans lequel nous vivons a un sens. Les richesses matérielles et spirituelles de ce monde ont un sens. Et il nous faut les utiliser dans ce sens...

Jésus, dans l’Évangile de ce dimanche, nous propose trois pistes de réflexion sur cette utilisation des biens de ce monde.

1. Avec la parabole du riche qui amasse tous ces biens dans ses greniers et meurt la nuit même, Jésus reprend la question de l'Ecclésiaste et la confirme : amasser pour soi-même est absurde, puisque nous n'emporterons rien de tout cela dans la mort ! « Tu es fou ! », dit Dieu au riche : ton comportement est proprement insensé !

2. En renvoyant celui qui lui demande d'obliger son frère à partager son héritage, Jésus nous renvoie à la morale naturelle, au sens le plus... naturel de ce mot : « Qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? » Je vous ai donné une intelligence et une volonté, vous êtes libres et responsables ! Pourquoi vous tourner vers Dieu pour juger ce que vous pouvez juger vous-mêmes ? Je vous ai équipés pour, démerdez-vous !
Il suffit d'être un homme doué de raison pour comprendre qu'il y a un scandale effroyable quand, au même moment, certains possèdent trop alors que d'autres ne possèdent rien, ou trop peu pour vivre ! Je me rappelle une image qu'on m'a décrite l'autre jour : on y voyait un petit enfant, visiblement africain, qui nous regardait avec des yeux ronds, et nous posait la question : "Comment ça ? Tu es en train de me dire que vous avez tellement d'eau potable que vous chiez dedans ??!" Ça n'a rien de rigolo, comme question.
C'est notre responsabilité d'utiliser les biens que nous avons de manière juste. Il n'y a pas de mal à être riche ! Mais il y a scandale à être trop riches quand d'autres sont trop pauvres.

3. C'est là que saint Paul, à la suite de Jésus ressuscité, nous donne une morale de "ressuscités" : ces biens matériels et spirituels que nous possédons, il nous les a confiés pour que nous prenions soin les uns des autres dans notre intégralité, dans notre corps et dans notre âme, dans notre âme et notre corps.
Comprenons bien : les richesses sont une bonne chose ! C'est une bonne chose d'être riche ! En effet, celui qui n'a rien ne peut aider personne, alors que celui qui a beaucoup peut aider beaucoup de monde ! Et il le doit. "Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités", disait son oncle à Spiderman. C'est vrai ! De grandes richesses impliquent de grandes responsabilités.
L’Église a toujours pris soin de l'âme et du corps, du corps et de l'âme de ceux qui lui étaient confiés. Ce n'est pas une opération de communication ! La raison profonde de cette action matérielle et spirituelle à la fois n'est pas une manière d'attirer les pauvres par le ventre pour les faire entrer dans notre club. Le Pape François ne va pas à Lampedusa pour faire du buzz ! Non. La raison profonde de cette action est que Jésus est ressuscité dans son corps, et que nous aussi nous ressusciterons dans notre corps ! Le corps est sacré et il faut en prendre soin au même titre que de l'âme, parce que les deux, à la fin des temps, entreront dans la gloire de Dieu pour l'éternité. Ou bien seront damnés, et je ne le souhaite à personne...

Vous le comprenez, nous, Chrétiens, n'avons aucune raison de ne pas prendre soin de nos frères à l'aide des richesses que Dieu nous a confiées : parce que ce serait absurde, parce que ce n'est pas humain, parce que Jésus est ressuscité et que nous espérons pour nous aussi et pour nos frères la résurrection ! 

L'enjeu, finalement, c'est qui possède qui ? Qui est maître de qui ?
Si nous appartenons au monde périssable et si nous faisons de lui notre maître, nous périrons avec lui. Et notre vie aura été absurde.
Si nous appartenons au Christ vivant pour l'éternité, nous vivrons avec lui pour l'éternité.
Possédons donc nos biens « en vue de Dieu » et faisons-en bon usage, en vue de l'éternité et de celle de nos frères.