6ème dimanche de Pâques année C
Par P. Vianney le dimanche 5 mai 2013, 18:30 - Homélies - Lien permanent
Je crois (à/en) l’Église...
Première lecture : Ac 15,1-2.22-29 ;
Psaume 66,2-3.5.7-8 ;
Deuxième lecture : Ap 21,10-14.22-23 ;
Évangile : Jn 14,23-29.
Homélie :
Qui d'entre nous n'a jamais entendu dire, de la part parfois même d'un catholique : "Oh ! Moi, je crois en Jésus ! Mais en revanche, en l’Église... j'ai du mal !" ou "je n'y crois pas !" ?
Cela ne me semble pas forcément étonnant : il est toujours plus facile de croire en Jésus, là-haut dans le ciel, qui nous f... nous "laisse la paix", pardon (c'est dans l’Évangile !), que de croire en l’Église, ici-bas sur la terre, qui fourre parfois son nez là où on n'aimerait pas ! Et c'est vrai que, cette Église, il nous faut la supporter, parfois au quotidien. Tenez, là tout de suite, vous devez bien me supporter... et il m'arrive parfois de devoir vous supporter, vous !
Et pourtant... pourtant, tout à l'heure, comme tous les dimanches, voire tous les jours si vous dites votre chapelet de temps en temps, nous professerons notre foi. Nous proclamerons tous ensemble le Credo : "Je crois en Dieu, le Père tout-puissant ; je crois en Jésus-Christ, son Fils, notre Seigneur ; je crois en l'Esprit-Saint... Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique !" Évidemment, il y a un ordre dans les vérités de foi que nous professons, mais n'empêche, c'est dans la profession de foi chrétienne ! Credo Ecclesiam, je crois l’Église, en latin, ou pisteuô eis Ekklesian, je crois dans l’Église, en grec (eis, c'est "dans" ou "à travers", dans le sens d'un chemin).
Alors comment entendre cette foi à, en, dans l’Église que nous professons ? Que croire ? Comment le croire ?
D'abord, l’Église, qu'est-ce ?
Jésus, dans l’Évangile d'aujourd'hui, nous en donne une belle définition : « Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l'aimera,
nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui ». L’Église, c'est l'ensemble de ceux qui aiment le Christ et qui veulent rester fidèles à sa Parole, à la Parole du Père qui l'a envoyé, et chez qui Jésus et son Père viennent demeurer. C'est beau, non ?
Oui, mais alors, il nous faut rester fidèles à sa Parole ! Et comment faire ? Qui va nous la donner, sa Parole ? Qui va nous montrer comment être vraiment fidèles à sa Parole ?
Reprenons la première lecture : litige dans l’Église d'Antioche, risque de division, tensions à tout le moins... on envoie Paul et Barnabé pour trancher la question. Pas n'importe où ni à n'importe qui : on les envoie à Pierre et aux Apôtres, qui sont alors à Jérusalem.
Et le début de la lettre que ceux-ci, après le premier concile de Jérusalem, envoient à l’Église d'Antioche est pour le moins surprenant. Tenez-vous bien : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé ». Ben tiens ! Mes chers amis, le jour où j'arrive en vous disant : "L'Esprit-Saint et moi-même avons décidé", remettez-moi bien vite à ma place, voulez-vous ?
Comment ont-ils l'audace effarante de dire cela ?
Eh bien, figurez-vous qu'ils prennent Jésus au mot, tout simplement ! « Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit ». Le Saint-Esprit, ils l'ont reçu à la Pentecôte, et ils vivent et décident avec lui.
Comment devons-nous recevoir cela aujourd'hui ?
Mes chers amis, il ne s'agit pas d'y aller par quatre chemins : soit nous prenons Jésus au mot, soit nous ne le croyons pas. Croyons-nous que, quand Jésus promet, il tient promesse ? Croyons-nous que, quand Jésus dit quelque chose, il ne peut se tromper ni nous tromper ? Croyons-nous, oui ou non, que Jésus a donné son Esprit à son Église ? Et croyons-nous, oui ou non, que ce que l'Esprit Saint dit à l’Église est vrai et ne peut pas être faux ?
Disons-le franchement : quand l’Église enseigne en matière de foi ou de mœurs, elle ne peut pas se tromper parce que c'est le Saint-Esprit qui la guide, l'assiste et lui donne la Parole de Jésus et de son Père.
Je tiens à ouvrir une parenthèse : je me suis rendu compte que, quand je dis "enseignement de l’Église", les gens comprennent ces mots de manière différente et fort peu précise (sondage Facebook à l'appui). Ce que j'entends, donc, quand je parle de l'"enseignement de l’Église", c'est trois choses ensemble : l’Écriture qui est la Parole de Dieu telle qu'elle a été mise par écrit et reconnue comme telle par l’Église ; la Sainte Tradition qui est la Parole de Dieu telle qu'elle est proclamée, célébrée et transmise dans l’Église ; et le Magistère qui est l'ensemble des règles et définitions que les Apôtres et leurs successeurs (les évêques) unis à Pierre et son successeur (le Pape), à travers deux mille ans d'histoire, ont comprises et interprétées à partir de l’Écriture et de la Tradition, sous l'assistance du Saint-Esprit.
Quand le Pape et les évêques, qui ont reçu dans l’Église ce charisme et cette charge d'enseigner, engagent l’Église en matière de foi et de mœurs, ils ne peuvent pas se tromper : ils sont infaillibles, non pas en raison de leurs personnalités, qualités, intelligence ou je ne sais quoi, mais en raison de la promesse du Christ de donner son Esprit Saint à son Eglise pour lui enseigner tout et lui faire souvenir de tout ce qu'il leur a dit. C'est l'unique et seule raison, mais c'est notre foi.
Je sais que c'est difficile à entendre. Je sais que, peut-être, pour certains d'entre nous, cela paraît impossible parce que nous n'arrivons pas à suivre cet enseignement de l’Église... Je le sais parce que moi non plus, figurez-vous : comme vous, je suis pécheur ! et comme vous - oh ! Bonne Nouvelle ! - je suis sauvé par le Christ ! Et je le sais d'autant plus que la lettre de Pierre et des Apôtres finit par un petit mot : « Courage ! » Cela nous montre que ce n'est pas nouveau.
« Courage ! »
Je finirai sur l'encouragement extraordinaire que nous donne la deuxième lecture d'aujourd'hui : la vision de la Cité Sainte descendant du Ciel... cette Cité Sainte, c'est l’Église !
Cette descente de la Cité Sainte sur la terre ne commencera pas à la fin du monde : elle est en train de se faire, depuis deux mille ans, et elle continuera de se faire jusqu'à la fin du monde. Déjà, aujourd'hui, l’Église resplendit de la gloire de Dieu. Oh oui, c'est vrai, il y a des Chrétiens, des prêtres, des évêques, des papes parfois, dans l'histoire de l’Église et aujourd'hui, qui ont été ou sont des contre-témoignages scandaleux ! Mais ne nous laissons pas détourner par ces contre-témoignages et tournons-nous vers ce que l'Esprit montre à saint Jean...
Déjà, aujourd'hui, se réalise la vision de Jean : « dans la cité, je n'ai pas vu de temple, car son Temple, c'est le Seigneur, le Dieu tout-puissant, et l'Agneau. La cité n'a pas besoin de la lumière du soleil ni de la lune, car la gloire de Dieu l'illumine, et sa source de lumière, c'est l'Agneau. »
Prions le Seigneur de nous donner, encore et toujours le Saint-Esprit pour que nous puissions, dans cette contemplation du Mystère de l’Église, le courage de croire en elle et de la croire, et d'être toujours plus fidèles à la Parole de Dieu qu'elle nous transmet.
Commentaires
Merci. Dans la première lecture, me demande pourquoi les apôtres disent l'Esprit Saint et nous même" et pas l'Esprit Saint a décidé que...
C'est précisément la charnière de tout le développement, John !
Le gouvernement de l’Église, ce n'est pas le Saint-Esprit seul, de la même manière que les Saintes Écritures, ce n'est pas le Saint-Esprit seul. Le gouvernement de l’Église, c'est le Saint-Esprit assistant les Apôtres et leurs successeurs, de la même manière que les Saintes Écritures, c'est le Saint-Esprit inspirant les écrivains qui ont mis la Parole de Dieu par écrit.
Dis, dis, dis, je peux faire mon troll ? Steuplé steuplé steuplé !
Alors, d'abord, une demande de précision : quand dans cette homélie tu parles de l'Eglise, c'est bien un raccourci pour Eglise Catholique Romaine ? Pour toi, pour moi c'est évident, n'est ce pas, mais ça va quand même mieux en le disant. Parce que je pense que tous ceux qui te lisent n'ont pas tout à fait le même bagage théologique que nous.
Tu parles aussi du Credo, le symbole de Nicée-Constantinople en particulier. Tous les chrétiens le confessent, ce symbole, mais tous les chrétiens ne mettent pas la même chose dans l'Eglise et ses quatre caractéristiques : une, sainte, catholique et apostolique... Et je ne parle pas que de Magistère ou de Tradition. Ekklesia, c'est l'assemblée convoquée, comme tu me l'as fait remarquer il y a quelque temps... C'est l'assemblée de tous les croyants, pas seulement une institution pyramidale et perclue de rhumatismes comme elle peut l'être perçue parfois (souvent ?)... D'ailleurs, tu le dis dans ta première partie, l'Eglise, c'est ceux qui aiment le Christ. Et ensuite, tu parles d'enseignement de l'Eglise, c'est là que ça glisse vers l'église catholique romaine (oui, les minuscules sont à dessein), et plus l'Eglise...
Et j'en viens à mon troll proprement dit : un jour, l'Eglise, ce sera peut-être une union d'églises, pas forcément sous l'autorité du Pape, mais simplement des amoureux du Christ... Et ce jour commencera peut-être quand l'église romaine reconnaîtra les autres "communautés ecclésiales" comme des églises soeurs. J'ai en ce moment un cours d'histoire du christianisme sur l'autorité naissante dans l'Eglise des premiers siècles... La prééminence de l'évêque de Rome ne s'est faite progressivement, dans la douleur, qu'à partir du IIe siècle, où on a commencé à voir apparaître des listes de successions d'évêques, presbytres et apôtres pour mieux justifier son autorité...
Pour faire court (parce qu'on pourrait être trèèèèèès long et que je n'ai malheureusement pas le temps), et parce que tout le monde n'a pas accès à notre conversation d'hier, chère Tigreek :
oui, l’Église telle que j'en parle dans cette homélie, c'est l’Église catholique, c'est-à-dire l'ensemble des Églises unies à l’Église de Rome. Je préfère écrire "l'ensemble des Églises unies à l’Église de Rome" plutôt que "Église Catholique Romaine", ce qui donne l'impression, à mon avis injuste, d'une Église centralisée où Rome serait la seule instance dirigeante : c'est loin d'être le cas !.
Ce qui rend, à mon avis, sans objet la première phrase de ton dernier paragraphe : il s'agit moins d'être "sous l'autorité du Pape" que d'être "en union avec le Pape" qui, parfois (rarement) exerce une autorité qui lui est propre. Et il me paraît difficile d'être "amoureux du Christ" sans recevoir sa Parole qui constitue l’Église et qui montre bien, dès les Évangiles et les Actes des Apôtres, la mission propre de Pierre au milieu (et non au-dessus : primus inter pares, c'est-à-dire : premier entre les pairs) des Apôtres, dès avant la mort et la résurrection du Christ.
"Communauté ecclésiale" et "Église" ne désignent pas la même réalité et ne sont donc pas interchangeables : il y a tout ce qui fait une communauté ecclésiale dans une Église, mais il manque l’Évêque dans une communauté ecclésiale. Ce qui ramène à la compréhension de l'ensemble de l'ecclésiologie : pas d’Église sans un Apôtre ou un successeur des Apôtres à sa tête.
Trop court, trop rapide, trop cash, pardon !
Merci pour cette réponse ! Tu vois que tu as eu le temps !
Alors il va falloir que je potasse sérieusement un cours d'ecclésiologie quelque part (oui, en fac de théo protestante, je vais avoir du mal à trouver, mais sur le net je présume que je le pourrai)... Qu'est ce qui fait "l'officialité" d'un successeur des Apôtres ? Le fait qu'il soit nommé par le Pape et non élu ? La vision catholique du ministère sacerdotale ?
Bref. Au delà du troll, bien trop lapidaire comme forme de dialogue, j'en conviens (et je te remercie d'y avoir répondu, même de façon rapide), c'est une vraie question d'oecuménisme : pouvons-nous avoir l'espoir, un jour, de former l'Eglise du Christ sur la terre, ou ne doit-on l'espérer qu'après la résurrection ?