Lectures du jour :

Première lecture : 1 Jn 1,5-10.2,1-2 ;
Psaume 123,2-8 ;
Évangile : Mt 2,13-18.

Quelque chose qui me tient à cœur et qui relève de la foi : la violence et la réponse à lui apporter restent un profond mystère qui nous engage concrètement, chaque jour ou presque.
Ce jour de la fête des Saints Innocents est depuis longtemps maintenant le jour où l'on prie notamment pour toutes les victimes de l'avortement : non seulement les enfants qui ne verront jamais le jour en raison de ce crime, mais aussi les femmes qui l'ont subi, les médecins et les personnels hospitaliers qui le pratiquent, les pères, les frères et sœurs... et la société tout entière, solidaire de ce deuil affreux, qu'on le veuille ou non.

Homélie :

Jésus est venu au monde dans une époque qui n'était ni plus ni moins violente que la nôtre. En témoigne le fait raconté dans la lecture de l’Évangile de ce jour, qui n'est qu'un fait divers rapporté seulement par l'évangéliste parce qu'il n'est qu'un des multiples massacres d'Hérode à cette époque : il ira jusqu'à massacrer ses propres enfants.

Mais cette violence infâme nous reste en travers de la gorge, surtout en ces jours où nous fêtons la naissance d'un enfant, et de quel Enfant !
Comment est-il possible que Dieu laisse faire cela précisément dans les jours où il nous donne son Fils, et en plus à cause même de sa naissance ? Pourquoi ne fait-il donc rien pour empêcher cela ?
En fait, la réponse est dans la question : la réponse de Dieu à cette violence, c'est précisément son Fils, Dieu fait homme, Dieu fait tout petit enfant dont la seule réponse face à la violence qui se déchaîne autour de lui et à cause de lui est... la présence : il est là, et c'est tout.
De la même manière, aux jours de la Passion, la réponse de Jésus à la violence qui lui est faite est le silence et les bras grands ouverts sur la croix : il est là, et c'est tout.

Il nous faut vraiment apprendre à répondre à la violence actuelle, celle dont nous sommes témoins aujourd'hui, à la manière de Jésus. Il n'y a pas d'autre manière chrétienne de répondre à la violence que la manière du Christ, c'est-à-dire la douceur et la charité. Oh, pas la douceur gnangnan ou la charité gentillette, non ! La vraie douceur et la profonde charité du Christ lui-même, qui ne viennent que de lui.
Répondre à la violence par la violence ne fait qu'ajouter de la violence à la violence : la violence ne saurait supprimer la violence par elle-même*.

Saint Jean parle de la lumière dans sa première lettre : « Dieu est lumière, il n'y a pas de ténèbres en lui. Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, alors que nous marchons dans les ténèbres, nous sommes des menteurs, nous n'agissons pas selon la vérité ; mais, si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres ».
Essayez d'éclairer une pièce avec une lumière rouge : premièrement, il vous faudra énormément de lumière pour y voir un peu clairement, et, deuxièmement, tout le monde n'y verra que le rouge, et non pas la lumière. Inversement, si vous éclairez avec une lumière blanche, vous aurez besoin de beaucoup moins d'énergie, et personne n'y verra le blanc, mais seulement la lumière, claire et nette.
Notre réponse à la violence, si nous voulons qu'elle soit chrétienne, doit être lumineuse, et lumineuse de la lumière du Christ lui-même : si nous répondons par la violence, tout le monde n'y verra que la violence, même si nous disons la vérité. Si nous répondons par la douceur et la charité, il sera alors possible de voir la vérité, claire et nette. Je crois qu'il faut être clair : l'insulte à la vérité est du même ordre quand on l'énonce avec violence que quand on ment avec douceur.

Dans nos combats actuels pour faire triompher la vérité, pour dénoncer la violence, que ce soit dans le combat contre l'avortement comme dans le combat pour la protection et la promotion de la famille, il s'agit d'avoir une parole claire et vigoureuse qui démasque la violence par sa clarté, certes - et montrer la violence est un acte nécessairement violent, non par lui-même, mais parce qu'il manifeste la violence au grand jour -, mais il s'agit d'avoir un comportement exemplaire de douceur et de charité...

Douceur de la charité qui vient du Christ, et du Christ seul. Demandons-les lui en ces jours où il se présente à nous comme un petit enfant. Amen.

* La question de la légitime défense et de la guerre juste (qui se rapporte d'une certaine manière à la légitime violence) n'ont pas été abordées dans cette homélie : il y a effectivement une manière légitime d'utiliser la violence dans des situations très précises. La réponse à la violence doit notamment (c'est un critère majeur, me semble-t-il) être proportionnée pour que la défense soit légitime. C'est-à-dire que répondre à une baffounette avec un Scud n'est pas plus légitime que de répondre à un Scud avec une baffounette : l'efficacité et la retenue sont des critères réels et nécessaires, autrement c'est injuste et illégitime. Autre sujet.
Remarquons cependant que la légitime défense comme la guerre juste devraient idéalement être des effets de la charité et de la douceur, puisqu'il s'agit d'abord de la charité envers soi-même (et charité bien ordonné commence par soi-même) ou envers le plus faible d'une part, et de la retenue qui est un des effets de la douceur et de l'absence de haine d'autre part.