3ème dimanche du temps ordinaire année C
Par P. Vianney le dimanche 27 janvier 2013, 18:30 - Homélies - Lien permanent
Contre le Christ et l’Église, point de vérité
Première lecture : Ne 8,1-6.8-10 ;
Psaume 18,8-10.15 ;
Deuxième lecture : 1 Co 12,12-30 ;
Évangile : Lc 1,1-4;4,14-21.
PRÉLIMINAIRE À LIRE ABSOLUMENT SOUS PEINE D'INCOMPRÉHENSION DU PROPOS QUI SUIT :
Ceci est une homélie, c'est-à-dire une prédication faite par un prêtre (moi) dans le cadre de la célébration de la messe, assemblée liturgique rassemblée au nom du Seigneur. Autrement dit, un rassemblement de catholiques, et pas un meeting politique, pas une réunion d'un club de philosophie, pas non plus d'une discussion de coin de zinc dans un bar.
L'intention du prêtre en question (moi) est d'exhorter les fidèles à reconnaître l’Église pour ce qu'elle est, et de (re)découvrir ce qu'elle dit, pourquoi elle le dit, à la lumière d'un cas concret.
Le sujet en est donc essentiellement celui qui est donné par le titre : il s'agit de parler de la mission de l’Église avant tout, même si le cas concret est délicat et provoque donc mon homélie sur le sujet.
Aussi je passe les commentaires en modération : ils n'apparaîtront qu'avec mon accord ainsi explicite. Je me réserve le droit de ne pas publier tous ceux qui essaieront de me convaincre (et mes lecteurs avec moi) du bien-fondé du mariage "civil" pour les couples de deux personnes de même sexe, ou de toute autre position politique ou philosophique. C'est une position théologique que je soutiens et que j'enseigne au nom même de l’Église et du Christ qui m'envoient, en communion avec le collège des évêques rassemblés autour du Pape.
En revanche, je suis prêt à discuter courtoisement et calmement sur la manière de recevoir cette vérité de foi catholique.
Ceci n'est pas de la censure, c'est une ligne éditoriale dictée par la nécessité, notamment le temps et l'énergie dont je dispose.
Merci
Homélie :
Vous l’avez certainement remarqué : à chaque messe, qu’elle soit en semaine ou le dimanche, on prend le temps d’écouter, parfois longuement comme aujourd’hui, la Parole de Dieu. Cela nous paraît même sans doute évident.
Et pourtant, il serait bon de nous demander pourquoi il est si important de l’écouter à chaque fois. En quoi cela est-il si important d’écouter aujourd’hui des paroles qui ont été prononcées et mises par écrit il y a des siècles et des siècles ?
Pour tenter de répondre à cette question, j’aimerais, à partir notamment de la belle première lecture que nous avons écoutée tout-à-l’heure, tenter de répondre à deux questions : 1. Qu’est-ce que la Parole de Dieu ? 2. Qui la transmet ? et 3. Comment devons-nous la recevoir ? avant d’appliquer ce que nous aurons compris à une question très actuelle.
1. Qu’est-ce que la Parole de Dieu ?
Dans notre première lecture d’aujourd’hui, nous voyons Esdras proclamer la « Loi de Moïse, que le Seigneur avait donnée à Israël », devant tout le peuple rassemblé dans Jérusalem. Cette proclamation de la Loi donnée par Dieu consacre la renaissance du Peuple d’Israël après l’exil, le retour d’exil et la reconstruction de Jérusalem et du Temple.
Cette loi est Parole de Dieu, car la Parole de Dieu est ce qui est donné un jour par Dieu, pour toujours, au Peuple de Dieu. Je crois que nous pouvons tous être d’accord sur cette définition.
L’on pourrait croire alors qu’il s’agit simplement de l’appliquer à la lettre pour agir toujours bien. Et pourtant…
2. Qui transmet la Parole de Dieu ?
Chose étonnante, voilà que nous lisons ceci : « Esdras lisait un passage dans le livre de la Loi de Dieu, puis les lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre ». Qu’est-ce que cela veut dire ?
Tout d’abord, il faut savoir que plus personne ne parle hébreu en Israël : il faut donc tout traduire en araméen. On peut penser que cela pourrait suffire, mais non : les lévites doivent non seulement traduire, mais ils doivent donner le sens pour que l’on comprenne. Et une fois que l’on a compris, on peut appliquer la Loi, et cette fête est là pour nous montrer qu’agir selon elle rend profondément joyeux parce que Dieu indique par cette Loi ce qui est bon pour l’homme.
Pourquoi raconté-je tout cela ?
Aux jours d’Esdras, Dieu avait confié aux lévites la mission très particulière et ardue, mais indispensable, d’écouter la Parole de Dieu et de l’interpréter. De l’interpréter selon la volonté même de Dieu qui l’avait donnée à un moment pour toujours, mais évidemment selon la langue et les repères du moment. Quelques siècles plus tard, il faut donc ces lévites, choisis par Dieu, pour en donner le sens et l’application pour cette époque-là.
De la même manière, Jésus confiera à ses apôtres, Pierre en tête, d’une part sa Parole à annoncer à tous pour que tous la reçoivent, et d’autre part la mission de la transmettre, de la traduire et d’en donner le sens pour les générations futures, qui n’auraient plus le même langage ni la même culture. Et il a donné son Esprit à toute l’Église, à ceux qui devaient enseigner comme à ceux qui devaient recevoir cet enseignement, pour que tous ensemble constituent ce corps unique du Christ Jésus. Relisez le texte de saint Paul, il ne dit pas autre chose.
Jésus lui-même en son temps reprend le texte qu’il a lui-même donné à Isaïe plusieurs siècles auparavant, et en donne la signification pour ce jour où lui, le Christ, le Messie, vient l’accomplir.
C’est une constante dans la révélation de la Parole de Dieu et dans sa transmission et son enseignement : elle est dite un jour pour toujours, et il faudra donc nécessairement l’interpréter pour que, à partir de ce jour, elle devienne compréhensible chaque jour et qu’ainsi on puisse lui répondre en la comprenant et en y adhérant librement.
Cette mission, depuis la Résurrection du Christ et la Pentecôte, est confiée à l’Église, et, dans l’Église, aux Apôtres et à leurs successeurs réunis autour du successeur de Pierre… et à personne d’autre.
3. Dans quelle attitude devons-nous recevoir la Parole de Dieu ?
Il y a autre chose qui est étonnant : « Esdras ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l'assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : "Amen ! Amen !" Puis ils s'inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur ».
Que veut dire ce « Amen ! Amen ! » du peuple de Dieu ? Cela veut dire qu’il adhère à cette parole donnée par Dieu et proclamée par Esdras, qu’il la reçoit comme Parole de Dieu. Mais ce qui est profondément étonnant, c’est que tous proclament « Amen ! Amen ! » avant même qu’Esdras ait ouvert la bouche.
Cela veut dire que, quoi qu’il sortira de la bouche d’Esdras lisant le livre de la Parole de Dieu, ils le reçoivent a priori, par avance, comme la Parole de Dieu qu’il devront appliquer selon le sens donné par les lévites.
C’est un enseignement capital pour nous aujourd’hui : de même qu’Israël s’engage à appliquer la Parole de Dieu proclamée, traduite, expliquée pour qu’ils puissent la comprendre avant même qu’ils l’aient entendue, de même nous aussi, fidèles du Christ, réunis dans l’Église catholique, nous devons accepter de recevoir a priori cette Parole de Dieu pour nous, dans la foi en l’Église qui a reçu la mission de la transmettre, de l’interpréter et de l’enseigner sous l’assistance constante du Saint-Esprit, comme Jésus nous l’a promis.
C’est ce que l’on appelle "l’obéissance de la foi", et le concile Vatican II le rappelle avec force : « À Dieu qui révèle est due "l’obéissance de la foi", par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans "un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle" et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait. » (Dei Verbum 5).
Application à la question, aujourd’hui, du mariage.
Permettez-moi de passer outre les questions de droit civil, de philosophie ou autre à propos du mariage, je ne suis pas compétent.
Permettez-moi simplement de rappeler une chose : l’Église, à la suite du peuple d’Israël, a reconnu le mariage comme une réalité naturelle. Cela veut dire qu’elle est inscrite par Dieu dans la nature même de l’homme-anthropos (être humain) inséparablement mais distinctement homme et femme. Cette réalité, il ne dépend pas de l’Église ni de qui que ce soit de la changer, puisqu’elle est donnée par Dieu à l’origine et rappelée sans ambiguïté possible par le Christ Jésus lui-même. Jésus qui l’a lui-même élevée au rang de sacrement, c’est-à-dire signe efficace de l’amour de Dieu pour l’humanité dès l’origine, et signe efficace de l’amour du Christ pour son Église dans l’accomplissement du salut par les Noces de l’Agneau sur la croix !
Le mariage-sacrement et le mariage naturel ne sont pas deux réalités distinctes : c’est la même réalité avant et après le Christ. Le mariage ne change pas, il est élevé à une dignité plus haute.
Ainsi, je dois le dire et je pleure de devoir le dire, il n’est pas possible aujourd’hui à un catholique – fût-il prêtre ! – de dire, a fortiori au nom de l’Église, que le mariage peut être ouvert aux couples de personnes de même sexe. Je le répète : ce n’est pas possible ! Et ce, précisément parce que le mariage naturel est donné par Dieu à l’humanité, et que le même mariage est confié à l’Église par le Christ.
L’Église a toujours reconnu que le mariage était une réalité de loi divine, et qu’elle n’avait pas pouvoir d’en changer la nature. Et elle ne changera pas, parce qu’elle n’en a ni le droit ni le pouvoir.
Aussi, j’invite chacun et chacune d’entre vous, qui vous reconnaissez catholiques et qui souhaitez vivre en communion avec le Christ et l’Église (autrement vous ne seriez pas ici à la messe), à recevoir la Parole de Dieu et l’interprétation qu’en donne, depuis des siècles, l’Église, en vraie obéissance : obéissance de l’Église au Christ, obéissance des catholiques à l’Église et au Christ.
L’obéissance n’exclut jamais la réflexion et la liberté personnelles : on peut se poser des questions. Mais, permettez-moi de vous le dire : contre le Christ et l’Église, il n’y a point de vérité. Je vous en supplie au nom de Dieu : réfléchissez, débattez, posez-vous des questions, ne demeurez pas en repos sur ces questions graves, mais ne vous laissez pas séparer de l’Église et du Christ à cause de ces questions.
Je vous demande pardon si, parce que j’avais peu de temps, parce que je ne suis pas assez délicat, je vous ai blessés d’une manière ou d’une autre durant cette homélie. Que le Seigneur me pardonne et agisse au cœur de chacun d’entre nous pour que nous soyons tous unis dans son Église.
Commentaires
On m'a demandé, à la sortie d'une messe, les textes bibliques sur lesquels l’Église fonde sans ambiguïté sa compréhension du mariage.
Je n'ai malheureusement pas le temps d'aller rechercher chaque verset précisément, mais je vous invite à relire, dans le livre de la Genèse, les chapitres 1 et 2, particulièrement les passages où, dans ces deux récits de la création, l'homme et la femme sont créés.
Jésus lui-même (bien que répondant à une question autre que celle qui nous occupe aujourd'hui), réaffirme et établit donc avec sa propre autorité divine, aux versets 4 à 6 du chapitre 19 de l’Évangile selon saint Matthieu, ce caractère inaliénable du mariage dès l'origine.
Saint Paul, dans sa lettre aux Éphésiens, au chapitre 5, versets 21 à 32, reprend le même passage de la Genèse tout en l'interprétant beaucoup plus loin, de manière directement sacramentelle.
Il y a certainement d'autres passages bibliques pour appuyer cela, mais retenons simplement ce que l’Église catholique, au Concile de Trente, affirme dans le premier canon de son décret sur les sacrements : "Si quelqu'un dit que les sacrements de la Loi nouvelle n'ont pas été tous institués par Jésus Christ notre Seigneur ou bien qu'il y en a plus ou moins que sept, à savoir : le baptême, la confirmation, l'eucharistie, la pénitence, l'extrême-onction, l'ordre et le mariage, ou encore que l'un de ces sept n'est pas vraiment et proprement un sacrement : qu'il soit anathème."
Et elle ne fait que reprendre et affirmer clairement la doctrine multiséculaire de l’Église à ce sujet.
Le concile Vatican II, notamment dans sa "constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps", connue sous son titre Gaudium et Spes, parle longuement du mariage aux numéros 47 à 52. Il serait trop long de les citer ici, mais vous pouvez les retrouver sur : Gaudium et Spes sur le site du Vatican, en descendant jusqu'au numéro 47.
Jean-Paul II lui-même consacrera quatre ans de catéchèses hebdomadaires (du 5 septembre 1979 au 28 novembre 1984, avec une interruption d'un an due à la fois à la tentative d'assassinat dont il a été victime et à une année qui a suivi qu'il a consacrée à un autre sujet) au mystère du mariage, en en développant une théologie originale fondée sur deux mille ans de tradition ecclésiale et sur son charisme propre : il ne s'agit pas de l'enseignement du magistère ordinaire, mais le fait même que ce soit le Pape qui le donne ainsi à l’Église (qui elle-même l'a déjà reconnu bienheureux et le reconnaîtra certainement bientôt comme saint) ne permet pas de le balayer d'un revers de main : au contraire, c'est un enrichissement considérable de la tradition de l’Église que l'on commence à peine à explorer.
Je ne peux m’empêcher de réagir, et pour moi bien sûr, la question circonstancielle du "mariage pour tous" n'est qu'un prétexte. Quelques remarques donc avec cette prière : si je suis dans l'erreur, éclairez-moi par la parole de Dieu (et je vous concéderai aussi quelques éléments de tradition).
1. Le Saint Esprit :
Il me semble qu'avant la pentecôte l'Esprit n'est donné qu'à certains, prophètes, prêtres ou roi : parfois deux en même temps, mais jamais les trois. Ce don peut être repris ou n'être que temporaire.
Après la pentecôte (il vous est préférable que je m'en ailles), l'Esprit est donné à chaque membre du peuple, sans retrait possible : ce sont les arrhes qui rendent certains l'accomplissement des promesses, en particulier les noces de l'agneau.
Il me semble donc que c'est le peuple ensemble et chacun de ses membres qui est prophète, prêtre et roi (cf Apocalypse). La tâche de la transmission est pour l'ensemble et pour chacun selon ses dons, ce qui n'implique pas le même niveau de responsabilité pour chacun, mais empêche la différence de nature entre les membres.
2. le mariage
J'ignorais que le mariage fut confié à l'Eglise. Où puis-je voir cela ?
Que l'église attende le mariage avec le Christ, son union avec lui, c'est notre attente impatiente. Cependant, le mariage d'un couple est le sacrement des époux. Il me semblait que le rôle de l'Eglise se limitait à le reconnaître et à le bénir de la part de Dieu. J'ai manqué quelque chose ?
3. La messe pour les chrétiens.
Que la messe soit essentiellement le lieu du sacrement de l'eucharistie et donc la réunion des chrétiens, c'est une évidence. Par contre, il me semble étonnant d'exclure de la célébration toute personne qui ne serait pas chrétienne. Il me semble que l'homélie en particulier a comme fonctions secondaires l'accueil et le témoignage. Et que faire du moment où, moi, je viens assister à une messe catholique ?
4. L'obéissance du chrétien.
L'Eglise obéit à Christ.
Les croyants n'obéissent pas à l'église, ils sont l'Eglise et se soumettent ensemble et joyeusement à Christ.
5. Infaillibilité.
Enfin, contre Christ il n'y a pas de vérité, il est la vérité.
L'Eglise par contre, dans le chemin de sanctification de chacun de ses membres, n'est pas exempte d'erreur. Il nous arrive à chacun, et parfois par groupes, de nous planter. Nous sommes loin encore de pouvoir séparer le bon grain et l'ivraie et nous pouvons manquer de discernement.
Avant de finir, je tiens encore à louer votre charité, entre autre pour avoir supporté ces quelques commentaires. En espérant une réponse, privée ou publique. Je suis vraiment intéressé à comprendre les fondements et l'histoire des fondements d'une position différente.
Enfin, mais il était inutile de le préciser, je soutiens pleinement ce que vous dites sur le prétexte. L'amour que nous rendons à Christ, la joie avec laquelle nous recevons sa parole, notre engagement vis à vis de Dieu nous conduisent ensemble à l'acceptation de sa Parole qui, sur ce sujet en particulier, est fort compréhensible et sans grande difficulté exégétique.
Avec toute mon amitié.
Paul.
Cher Paul,
merci pour votre commentaire et vos questions. Étant bien grippé, j'ai la tête en vrac et n'irai donc pas par quatre chemins
1. Ce que vous dites me semble tout à fait juste et il suffit de lire la seconde lecture d'hier (vous trouverez ces lectures dans le lien "Lectures du jour", tout en haut) pour bien comprendre que nous sommes tous membres du même corps qu'est l’Église, ce qui exclut effectivement une différence de "nature" (si nous entendons bien ce mot de la même manière) entre ces membres : nous sommes tous baptisés, fidèles du Christ, prêtres, prophètes et rois. C'est indéniable.
Et pourtant, Paul lui-même introduit une certaine forme de hiérarchie : "Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l'Église, il y a premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui sont chargés d'enseigner, puis ceux qui font des miracles, ceux qui ont le don de guérir, ceux qui ont la charge d'assister leurs frères ou de les guider, ceux qui disent des paroles mystérieuses. Tout le monde évidemment n'est pas apôtre, tout le monde n'est pas prophète, ni chargé d'enseigner ; tout le monde n'a pas à faire des miracles, à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter."
Chacun a sa mission. De plus, il est un sacrement que vous ne reconnaissez pas, qui est celui de l'Ordre, qui fait du baptisé qui le reçoit un diacre, un prêtre ou un évêque (selon ses trois degrés), et donne une mission spécifique de gouvernement, de sanctification et d'enseignement. On peut ainsi entendre "Église" au sens de "assemblée des chrétiens convoqués par le Christ", ou au sens de "hiérarchie sacramentelle". Ce qui aide à répondre à votre question 4.
2. Qu'entendez-vous par "le mariage d'un couple est le sacrement des époux" ? Un sacrement renvoie à une réalité invisible, aussi je ne vois pas en quoi le mariage peut être seulement sacrement des époux.
Comment interprétez-vous Eph 5,21-32 ? Parce que c'est particulièrement ce texte qui a permis à l’Église de reconnaître dans le mariage des époux le sacrement des noces du Christ et de l’Église. Et, comme tout sacrement, le mariage est confié à l’Église.
Qu'avez-vous manqué ? Un bon millénaire de tradition ecclésiale au moins, et notamment le concile de Trente Il n'en reste pas moins vrai que le mariage reste un sujet assez difficile à discerner, puisqu'il s'agit d'une réalité naturelle qui existait avant le Christ, contrairement aux six autres sacrements (dont vous ne reconnaissez que le baptême... dommage !).
3. Je ne comprends pas : où avez-vous lu que j'excluais qui que ce soit à la messe ?
D'autre part, dois-je vous rappeler l'antique tradition, que nous ne pratiquons plus actuellement, de ne permettre l'entrée à la messe que des baptisés (d'où le ministère de "portier", supprimé seulement lors de la réforme liturgique qui a suivi Vatican II), et de renvoyer les catéchumènes après l'homélie, car ils ne sont pas encore admis à l'Eucharistie ?
4. Répondu en 1.
5. L’Église est assistée par le Saint-Esprit : "Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu'il aura entendu ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître." (Jn 16,13) Ce n'est certainement pas le seul passage biblique qui appuie cela : "Mais au cas où je tarderais, je veux que tu saches comment il faut se comporter dans la maison de Dieu, c'est-à-dire dans la communauté, l'Église du Dieu vivant, elle qui est le pilier et le soutien de la vérité." (1 Ti 3,15)
En matière de foi et de mœurs, quand l’Église engage son enseignement magistériel, elle ne se trompe pas. Typiquement lors de conciles, lors de l'enseignement circonstancié du Pape (concile Vatican I, qui définit notamment l'infaillibilité pontificale dans certaines circonstances).
Que ses membres soient tous pécheurs, nous le reconnaissons chaque jour, notamment à la messe où l'on commence toujours par la liturgie pénitentielle. Que l’Église soit sainte, c'est dans le Credo.
Ce qui est en jeu, ici, c'est la foi de l’Église, et la foi en l’Église. 2000 ans de tradition sans lesquels ni vous ni moi ne connaîtrions le Christ.
J'arrête ici, je retourne me coucher Que Dieu vous bénisse, mon frère !
Père,
Merci pour votre belle homélie hier soir. La grippe a l'air de vous réussir je trouve.
Moi, ce que je retiendrai surtout c'est votre notion de "un jour, pour toujours".
Vraiment magnifique le regard que vous posez sur le projet de Dieu à notre encontre! (enfin c'est comme ça que je l'ai entendu). J'en ferai bien ma devise tiens!
le passage "qui vous écoute m'écoute, qui vous méprise me méprise" (Lc X) n'est-il pas aussi en faveur d'une certaine infaillibilité ? (tu n'es pas obligé de faire apparaître ce commentaire, mais n'hésite pas à l'utiliser si bon te semble )
Amodeba.
Au-dessus même du droit canon mais en accord avec lui, le mariage entre un homme et une femme est une loi de la création : Donc au-dessus de tout et de tout.
"homme et femme IL les fit, à son image IL les fit".
Nous ne sommes pas à l'image de Dieu en tant qu'homme ou en tant que femme, mais homme et femme dans l'union (les prêtres vivent cette réalité sur un plan supérieur).
C'est pourquoi aussi forte que soit l'union homme-homme ou femme-femme, il ne pourront jamais transmettre le don d'absolu à leurs enfants.
Et c'est bien ce qui est visé : la Bible commence par l'histoire d'un couple, l’Évangile commence par les noces de Cana, le mariage gay signent l'arrêt de mort du Christ et de l'Eglise en France.
"Ils" ont compris le point névralgique de la bonne nouvelle, et les homosexuels en sont les premières victimes, naïfs qu'ils sont. Car en fait ce qui est principalement visé c'est la haine du Christ et de la civilisation Chrétienne.
Nous sommes en train de revivre le jugement du Seigneur plein d'Amour :
- "Libérez Barabas" (suppression de la peine de mort, mais pourquoi pas?).
- "Crucifiez-le (avortement).
Et maintenant :
- "Je m'en lave les mains" (mariage gay)....."Je ne connais pas cet homme" (indifférence, relativisme, paresse de réfléchir, peur du politiquement correcte).
C'est pourquoi j'interroge ceux qui disent dans l'Eglise que "il ne faut pas trop se fixer sur ce problème". Ah bon ! comme pour l'avortement où nous avons lâchement baissé les bras ? Je ne connais pas cet homme ? Eh bien ! si.! Je connais cet homme. Je vais me fixer sur ce problème autant et plus que ceux, qui eux, sont bien décidés au mariage gay. Et j'ai pas envie qu'un jour Marie me dise que j'ai été une limace à ne pas défendre son fils.
Voilà qui est intéressant, Philippe.
Ceci dit, juste une petite remarque. Vous dites : "C'est pourquoi aussi forte que soit l'union homme-homme ou femme-femme, il ne pourront jamais transmettre le don d'absolu à leurs enfants."
Non, ils ne le pourront pas, pour une raison bien simple : ils ne peuvent pas avoir d'enfants.
A six ans, j'ai compris que pour faire des bébés il fallait faire l'amour. Et à soixante, j'ai compris que l'amour, c'est pour faire des bébés.
Encore faut-il définir ce que veut dire "amour"... et c'est un vaste sujet.
Oui, je voulais dire : "faire l'amour". mais quand on ne veut plus (ou pas) de bébés, On peut prendre comme option de tomber amoureux de l'humanité en générale, de l'immense foule des peuples, et de chaque âme en particulier. On tombe amoureux d'une nana ? La belle affaire !
Sauf que ça ne veut plus dire grand-chose, à ce moment-là... et on part hors-sujet.
Merci de votre participation, mais on arrête là
Merci pour cette homélie, et pour avoir pris le temps de la partager en ligne.
Je suis cela dit réservé sur ce passage:
"Ainsi, je dois le dire et je pleure de devoir le dire, il n’est pas possible aujourd’hui à un catholique – fût-il prêtre ! – de dire, a fortiori au nom de l’Église, que le mariage peut être ouvert aux couples de personnes de même sexe. Je le répète : ce n’est pas possible ! Et ce, précisément parce que le mariage naturel est donné par Dieu à l’humanité, et que le même mariage est confié à l’Église par le Christ.
L’Église a toujours reconnu que le mariage était une réalité de loi divine, et qu’elle n’avait pas pouvoir d’en changer la nature. Et elle ne changera pas, parce qu’elle n’en a ni le droit ni le pouvoir."
Un certain nombre d'études universitaires, au sein de plusieurs disciplines, tendent à montrer le caractère historiquement et géographiquement situé de cette définition du mariage comme "union et complémentarité entre un homme et une femme".
Cela ne signifie pas nécessairement que d'autres sont aussi valables sur le plan moral, ou que ce modèle en particulier ne correspond pas de manière privilégié au plan de Dieu pour l'homme. Mais cela tend à montrer qu'il n'est pas un donné universel et intangible, et encore moins un principe qui relèverait de "l'évidence" ou du "bon sens".
Que l'Eglise soit dans son rôle en préservant le dépôt de la foi et en ne faisant accueil qu'avec la plus grande prudence et la plus grande circonspection aux travaux universitaires susceptible d'ébranler certains énoncés sur lesquels s'appuie son enseignement, c'est parfaitement normal. Par contre, ignorer de tels travaux, ou les disqualifier a priori sous les termes d'"idéologie", de "relativisme" ou que sais-je encore, ne peut la conduire qu'à perdre en force de conviction et à s'isoler intellectuellement et sociologiquement. Ce qui ne signifie pas qu'elle doit changer le contenu de son enseignement au prétexte des dernières modes intellectuelles, mais que certaines évolutions des idées peuvent (et ont pu) la conduire à reformuler certains de ses aspects, tant pour mieux être comprise dee ses contemporains que pour progresser dans sa propre compréhension de ce dépôt de la foi.
Je pense que les catholiques n'ont, notamment, pas pris suffisamment la mesure des études sur le genre (au sens non pas où ils devraient nécessairement les prendre pour argent comptant, mais tout simplement prendre connaissance de ce qu'elles disent vraiment - c'est à dire pas les caricatures qui circulent sur les sites cathos - et de leurs arguments, qui ne sont pas tous inintéressants, loin de là, quand bien même certains sont orientés). Ce qui les empêche de convaincre au dela des cercles qui leur sont initialement acquis, et, surtout, leur fait dire des choses qui sont factuellement fausses (sur le caractère universel, sur le plan culturel, du mariage comme union d'un homme et d'une femme et sur la complémentarité des sexes). Ce qui ne peut qu'affaiblir à moyen terme le message qu'ils cherchent à transmettre par ces affirmations...
Je ne vais pas continuer plus avant en commentaire sur ce blog, mais je pense écrire un billet en réaction au tien sur mon deuxième blog ("aigreurs administratives") d'ici le mois de mars.
Cher Emmanuel,
merci pour ton long commentaire.
Je crois qu'il y a un bon gros cliché qui demeure : les théologiens catholiques, dont fait partie notre Saint Père mais aussi un certain nombre de prêtres et d'évêques, mais pas seulement, seraient plus ou moins à la ramasse sur les sujets qui ne concernent pas directement la théologie, et ne liraient et ne feraient état que de ce qui est dans la "droite ligne de la théologie catholique". C'est absolument faux, et notre Pape notamment est toujours extrêmement surprenant quant à ses sources extrêmement variées et parfois bien loin de se cantonner aux seuls docteurs de l’Église reconnus. Il y a un fait très clair : un bon nombre d'universitaires catholiques ne sont pas théologiens et sont à la pointe de la réflexion sur bon nombre de sujet qui ne sont pas de théologie catholique, d'une part, et un bon nombre de théologiens catholiques sont tout à fait au courant de ce qui se passe dans d'autres domaines universitaires qui ne sont pas les leurs mais qui touchent à des sujets transverses, d'autre part.
Je crois qu'il faut le leur reconnaître. C'est une question d'honnêteté intellectuelle.
Je crois aussi qu'il y a une distinction (qui n'est pas une séparation) très claire à apporter quant à la mission du théologien d'une part et à la mission du pasteur d'autre part.
Qu'un théologien, qui fait de la recherche, aille réfléchir sur des terrains borderline voire franchement hérétiques (je parle bien du point de vue de la foi catholique !), c'est une bonne chose, puisque c'est son boulot. Qu'un théologien s'avance sur des terrains qui sont nouveaux parce que cela correspond à des questions contemporaines encore inexplorées, et qu'il émette un certain nombre d'hypothèses allant des plus "traditionnelles" au plus "novatrices", c'est très bien, parce que c'est son devoir de théologien, qui n'est pas d'abord d'enseigner la foi, mais d'explorer comment la foi peut éclairer des terrains jusque là inconnus. Il est nécessaire que les théologiens puissent avoir toute liberté de dire tout et le contraire de tout dans leur recherche, et je crois que cette liberté est profondément respectée. La seule limite étant ce qui est déjà défini par le magistère compétent comme vérité de foi catholique : je ne crois pas que ce soit le cas sur les questions de théories des genres. Un théologien, en tant que théologien, doit tout explorer, même le plus invraisemblable, ne serait-ce que pour montrer que cela ne correspond pas au dépôt de la foi transmise à travers les siècles : mais pour en juger, il faut précisément avoir mis le nez dedans, et à fond, et jusqu'au bout.
Le pasteur, lui, a une autre mission : il doit transmettre ce qui est reconnu de manière sûre et avérée comme la foi de l’Église catholique, et il doit le faire de manière claire : "ceci a été défini par l’Église catholique au cours des siècles comme quelque chose qui doit être cru comme vérité de foi catholique : toute autre opinion est donc contraire à la foi, et vous devez le savoir !" Ne pas le dire, c'est ne pas permettre aux libertés de se déterminer en connaissance de cause, et c'est grave : la liberté nécessite la connaissance de la vérité, autrement on ne peut pas se déterminer, et la liberté s'exerce dans des choix. Je connais des catholiques qui se sont exprimés (parfois vertement) contre l'enseignement de l’Église que j'avais rappelé dans cette homélie. Ils peuvent se déterminer contre parce qu'ils sont libres. Je ne suis pas sûr néanmoins que cette liberté demeure pleine et entière en-dehors de la foi de l’Église, mais je propose la foi, je ne l'impose pas. Ne pas la proposer, ce serait mon malheur : "Malheur à moi si je n'annonce pas l’Évangile !", disait saint Paul.
Le pasteur a aussi le devoir de dire parfois : "en ce domaine, l’Église ne s'est pas engagée, n'a pas engagé la foi : faites-vous votre opinion, bossez, cherchez, et vos résultats intéressent d'ailleurs tout le monde". Sur la question du "mariage" gay, ce n'est pas le cas, parce qu'il est du donné fondamental de la foi que le mariage n'existe pas autrement qu'entre UN homme et UNE femme, et le Christ est lui-même très clair et net à ce sujet. Il n'y a pas d'autre interprétation qui soit catholique, parce qu'il n'y a aucune ambigüité à ce sujet.
Que le catholicisme soit ancré dans la culture juive, ça n'a rien de nouveau : c'est évident, même si certains siècles l'ont oublié au point qu'ils ont combattu - parfois de manière atroce - le judaïsme. Qu'on ne s'y trompe pas toutefois : les régimes qui ont combattu le judaïsme de la manière la plus violente étaient profondément antichrétiens.
La question s'est posée par exemple, à une époque, de savoir si l'on pouvait célébrer l'Eucharistie avec autre chose que du pain de froment et du vin de raisin : en Asie par exemple, c'est une gageure de trouver ces ingrédients ! Pourquoi ne pourrait-on pas, après tout, célébrer le même sacrement avec des galettes de maïs ou de riz et de la belle bière ? Ce serait aussi digne que du pain et du vin, et c'est l'esprit qui compte, n'est-ce pas ? La question a été âprement débattue, et la réponse a été définitivement négative : le Verbe de Dieu s'est incarné dans un lieu et une époque précise, dans un peuple précis avec une culture précise, et ce n'est pas un hasard ou quelque chose qui serait de l'ordre du détail. Non. Le Verbe de Dieu s'est incarné dans le peuple juif, à une époque précise, en un lieu précis, et cela engage la foi, et de manière définitive. On ne célèbrera donc validement la messe que avec du pain de froment et du vin de raisin. C'est le mystère de l'Incarnation qui est en jeu. Et donc on plantera du blé et de la vigne en Asie, comme on l'a fait dans toute l'Europe chrétienne et ailleurs. Ou quand la foi modifie les paysages
De la même manière, le Christ s'est incarné dans une culture juive où la monogamie s'était peu à peu instaurée de manière claire et où la pratique de l'homosexualité était clairement condamnée. Il l'a lui-même confirmé pour la première partie (saint Paul se chargera clairement de la seconde, mais il est apôtre et ses écrits sont reconnus comme étant la Parole de Dieu, fin du débat il y a... quasiment deux mille ans, entériné définitivement et solennellement au concile de Trente). Et la lettre aux Éphésiens introduit très clairement, en son cinquième chapitre, la sacramentalité du mariage comme signe et moyen de l'Alliance définitive du Christ-Époux avec l’Église-Épouse (ces termes sont eux-même repris par Jean-Paul II dans ses catéchèses, et je sais qu'ils ne sont pas explicitement bibliques).
Il n'y a pas lieu de discuter, du point de vue de la foi, quelque chose qui a été clairement et solennellement défini par les successeurs des Apôtres réunis en concile œcuménique comme une vérité de foi, et en l'occurrence comme quelque chose qui est de loi non seulement naturelle, mais de loi divine. Le mariage entre un homme et une femme fait partie intégrante et non séparable de la foi catholique.
Il reste du ressort des théologiens de se pencher, dans ce cadre, sur les théories des genres, et ils le font. Mais il n'est pas de leur ressort de définir la foi catholique, et il est du devoir des pasteurs de la rappeler aux fidèles pour qu'ils puissent librement prendre position en sachant les conséquences de cette prise de position.
Je dois finir en disant qu'il est certainement difficile à bon nombre de catholiques de comprendre aujourd'hui cette manière de s'exprimer : rien que le terme "obéissance" fait frémir.
Je rappellerai brièvement deux choses :
1. l'obéissance nécessite la liberté, puisqu'il s'agit d'écouter et de répondre librement, en parole et en acte (c'est une définition de l'obéissance). Ce qui suppose que l'on puisse désobéir, mais ne nécessite pas qu'on le fasse. Il est donc faux de dire que l'obéissance nie la liberté, au contraire : c'est la contrainte qui est la négation de la liberté, mais c'est aussi la suppression de la possibilité d'obéir, puisque l'obéissance suppose la liberté d'un choix.
2. Il est tout à fait possible de ne pas comprendre actuellement tel ou tel enseignement de l’Église, et il n'est pas nécessaire d'énumérer les sujets difficiles aujourd'hui comme toujours dans cet enseignement. Ceux qui nient que ce soit difficile devraient se poser des questions quant à leur compréhension de la foi et quant à leur obéissance qui peut ressembler à une réponse sans réflexion, ce que n'est pas l'obéissance.
Il m'est moi-même arrivé - je n'en ai jamais fait secret - de me dire : "Mais purée ! Qu'est-ce que l’Église me propose là ? C'est IMPOSSIBLE ! Je ne peux pas le comprendre !" et il m'est arrivé d'en conclure que, puisque je ne le comprenais pas, l’Église se plantait. Pardonnez-moi de le confesser tout de go, là comme ça, mais quelle présomption de ma part ! Puisque moi, petit Vianney, du haut de ma petite vingtaine d'années, je ne comprenais pas, l’Église, avec ses deux mille ans d'histoire et de sagesse, assistée par l'Esprit Saint, se planterait ??? De la même manière, j'ai lu l'autre jour de la part d'une jeune fille qui n'a pas vingt ans : "Mais DE QUEL DROIT vous permettez-vous de juger de ce qu'est le mariage ?" A-t-elle réalisé une seconde, cette charmante demoiselle que j'estime de tout mon cœur, le degré hallucinant de présomption de sa part ? Il me suffirait de lui retourner la question : "De quel droit, jeune fille, vous permettez-vous de juger du haut de votre petite tête bien faite mais bien jeune de ce que le Christ et l’Église enseignent depuis deux mille ans ?"... et je sais qu'elle en serait sans doute choquée, et c'est bien là la manifestation de quelque chose qui est profondément faussé dans la réception de la foi.
Je n'ai pas résolu pleinement et totalement encore tous les problèmes qui m'ont amené plus jeune à parfois me poser de réelles questions. Mais j'ai compris un jour que je devais a priori faire confiance à Dieu, au Christ, au Saint-Esprit et à l’Église, corps du Christ, temple du Saint-Esprit, même si je ne comprenais pas tout. Et j'ai donc bossé, parfois de manière forcenée, pour comprendre ce qu'enseignait l’Église. Et, souvent, j'ai compris et je me suis émerveillé, ce qui m'eût été impossible si, d'office, j'avais jugé que j'étais mieux armé que l'Eglise pour répondre à ces questions.
Ceci est de l'ordre du témoignage personnel, mais je crois que les jeunes catholiques feraient bien d'interroger leur foi en et à l’Église, foi inscrite depuis près de deux mille ans dans les deux symboles de la foi que l'on doit connaître par cœur. Et de bosser pour essayer de répondre à leurs questions QUI SONT LÉGITIMES, qu'on se le dise
Merci Vianney d'avoir pris le temps de cette réponse longue et argumentée, qui me fait décourvrir avec plaisir un point de vue plus nuancé que ce que ton homélie suggérait.
Quelques malentendus me semblent subsister:
"Je crois qu'il y a un bon gros cliché qui demeure : les théologiens catholiques, dont fait partie notre Saint Père mais aussi un certain nombre de prêtres et d'évêques, mais pas seulement, seraient plus ou moins à la ramasse sur les sujets qui ne concernent pas directement la théologie, et ne liraient et ne feraient état que de ce qui est dans la "droite ligne de la théologie catholique". C'est absolument faux, et notre Pape notamment est toujours extrêmement surprenant quant à ses sources extrêmement variées et parfois bien loin de se cantonner aux seuls docteurs de l’Église reconnus. Il y a un fait très clair : un bon nombre d'universitaires catholiques ne sont pas théologiens et sont à la pointe de la réflexion sur bon nombre de sujet qui ne sont pas de théologie catholique, d'une part, et un bon nombre de théologiens catholiques sont tout à fait au courant de ce qui se passe dans d'autres domaines universitaires qui ne sont pas les leurs mais qui touchent à des sujets transverses, d'autre part.
Je crois qu'il faut le leur reconnaître. C'est une question d'honnêteté intellectuelle."
Loin de moi de suggérer que les théologiens catholiques seraient à la ramasse. De même, je sais que des catholiques ont pris part récemment à de nombreux travaux universitaires sur les études sur le genre. Après avoir lu un certain nombre d'articles des deux côtés sur le sujet, je ne puis cependant m'empêcher de remarquer que sur ce secteur très précis de la recherche universitaire, de très nombreux malentendus subsistent.
A commencer par cette idée, qui transparait dans ton commentaire, qu'il existerait quelque chose de tel que des "théories du genre". Idée que l'on retrouve chez la plupart des auteurs catholiques qui se sont exprimés sur le sujet, le Pape inclus dans son discours de voeux en décembre. Le genre n'est ni une théorie ni une philosophie, mais un outil conceptuel destiné à penser les variationssuivant les cultures, les époques, les milieux, dans la compréhension des différences entre les sexes, et les normes qui découlent de celle-ci. Cet outil est exploité par des disciplines diverses (philosophe, sociologie, anthropologie, linguistique, histoire, neurobiologie) et a été invoqué par des écoles de pensées distinctes ("french theory"), structuralisme, féminisme matérialiste, etc.). Il est certes plus attrayant, à l'heure actuelle, pour des mouvements qui participent au courants de défense des minorités que pour des catholiques, mais cela ne signifie pas qu'il ne puisse être utilisé dans une perspective chrétienne.
Je suis persuadé qu'au fil des années, de plus en plus de catholiques vont approfondir leurs connaissances sur ce sujet, et je ne doute pas que très bientôt des démonstrations très profondes de ce qui dans ces études éclairent l'enseignement de l'Eglise et de ce qui y restent insatisfaisant seront publiées, à la manière dont cela s'est produit pour la psychanalyse, le darwinisme, etc. Les spécialistes du sujet notent déjà certaines évolutions positives: http://penser-le-genre-catholique.o... .
Après avoir passé de longs mois à lire les positions des uns et des autres, force m'est cependant de constater que ce qui pour l'instant est dénoncé sous le nom de "théorie du genre" par de nombreux catholiques, y compris prestigiieux, ne correspond pas à ce que sont les études de genre. Pas parce qu'ils les dénoncent, pas parce qu'ils en donnent une interprétations qui n'est pas la mienne, mais parce qu'il leur font dire ce qu'elles ne disent pas. Peut-être n'ai je pas lu les bons auteurs, peut-être ne les ai-je pas bien compris, mais après bien des mois de recherche silencieuse, je suis bien forcé de reconnaitre le hiatus entre ce que les catholiques décrivent comme "la théorie du genre" et les réalités que ce terme cherche à décrire. En tant que catholique, ça ne me fait pas plaisir, et j'aurais préféré rester dans un petit cocon idéal où je trouvais tout parfait dans la parole de mes frères en Eglise, mais je pense que reconnaitre qu'il y a des discours tenus dans l'Eglise, au nom de l'Eglise, sur des domaines qui ne relèvent pas strictement de la foi, avec lesquels, après bien des efforts, après avoir cherché à écouter les deux points de vue, à vérifier mes informations, je n'arrive pas à être en accord, c'est aussi ça l'honnêteté intellectuelle (tout en étant persuadé qu'avec le temps, l'Eglise va intégrer ces recherches nouvelles dans son discours et en profiter pour approfondir son propre discours, comme elle a toujours fini par le faire).
Si le sujet t'intéresse et si tu en trouves le temps dans ton emploi du temps surchargé, je t'invite à lire la présentation suivante du conflit de 2011 autour du programme de SVT , qui est très éclairant sur l'état de la compréhension catholique des études de genre: http://penser-le-genre-catholique.o...
"Sur la question du "mariage" gay, ce n'est pas le cas, parce qu'il est du donné fondamental de la foi que le mariage n'existe pas autrement qu'entre UN homme et UNE femme, et le Christ est lui-même très clair et net à ce sujet. Il n'y a pas d'autre interprétation qui soit catholique, parce qu'il n'y a aucune ambigüité à ce sujet."
Une chose est de rappeler le donné théologique, une autre est de montrer comment il est rejoint par la raison naturelle. Et sans remettre en cause sa vérité en tant qu'énoncé théologique, force m'est là encore de reconnaitre, là encore après m'être tu de longs mois, après avoir pris connaissance de nombreuses prises de position, que celles des justifications qui justement ne sont pas de nature théologiques, mais sont censées être recevable par toute personne de bonne volonté, peinent à me convaincre pour un certain nombre d'entre elles . Dire que le mariage comme union d'un homme et d'une femme est une donnée universellement observé, "évidente", de "bon sens", me parait très difficilement soutenable au regard de l'état actuel de la recherche, pour ce que j'ai pris la peine d'essayer de connaitre. Ce n'est certes pas une raison pour contester l'enseignement de l'Eglise en lui-même, sur le plan théologique, et je suis persuadé là encore que dans l'oeuvre de relecture de son enseignement à laquelle ils se livrent en permanence, les universitaires catholiques trouveront des arguments auxquels je n'aurais jamais pensé moi-même, et que les débats actuels constitueront probablement un accélérateur de ce processus, mais pour l'instant, je ne peux pas faire autrement que de constater que certains des arguments employés actuellement pour donner à cet enseignement une dimension non pas seulement religieuse, mais de "bon sens", paraissent faibles, non seulement pour moi, mais pour nombre de contemporains de bonne volonté (car il y a des personnes qui critiquent les arguments actuels contre le mariage gay qui ne sont ni de mauvaise foi, ni ignorants en théologie ni en philosophie)...Et à côté, certes, aussi, des arguments qui sont excellents sur les problèmes de filiation, etc.
Après, je ne veux pas, ni ne peux j'en ai bien conscience, m'ériger en juge de l'Eglise, et il est fort possible, voire probable, que de nombreux éléments du débat m'aient échappés. Mais de fait, l'une de ses richesses est constituée par cette Tradition qui se relie elle-même depuis 2000 ans, et approfondit par là sa compréhension de la foi, en abandonnant certaines formulations et interprétations (la prédestination des âmes par exemples) et en prenant acte de vérités plus clairement perçues avec le temps (l'Immaculée Conception). Dire qu'il y a des choses que je ne comprends pas, ou que certaines arguments utilisés pour expliciter ce dépôt de la foi ne me paraisse pas très audibles, voire pas très justes, ce n'est pas pour moi opposer ma propre pensée à celle de l'Eglise, mais contribuer à mon très modeste niveau de cette richesse, en témoignant d'un exemple de la manière dont cet enseignement est entendu et compris aujourd'hui, ne serait-ce qu'en incitant d'autres catholiques à trouver de nouveaux arguments pour démontrer mon erreur... En attendant que des théologiens ou des pasteurs apportent la formulation ou la relecture qui dépassera les objections qui ont retenu ma pensée, et qui ajouteront une nouvelle pierre à cet édifice intellectuel et spirituel qui constitue le patrimoine de l'Eglise depuis son apparition...
Je parle de "théories des genres", aux pluriels, à desseins : c'est que je sais très bien qu'il n'en existe pas une mais un certain nombre. En revanche, m'expliquer qu'il n'existe pas de théories me semble pour le moins étonnant : pas de théorie implique pas de pensée construite, et pas de pensée construite implique ce qu'on appelle en langage commun "un joyeux bordel" (expression théologique s'il en est ).
S'il n'y a pas de théories des genres, de quoi parle-t-on ? À quel travaux se référer ?
Une théorie, c'est une construction de l'intellect humain qui tend à répondre à une question particulière. Heureusement que ça existe. Il ne s'agit pas de confondre avec idéologie, qui est pour le coup une construction de l'intellect humain où une idée prend le pas sur toutes les autres et sur la réalité même, et devient le critère d'absolument tout le reste. Bref, une théorie fondée sur une idée ou un système d'idée qui ne se reconnaît plus comme idée ou système, mais comme la réalité elle-même... réalité dont aucun système, sans exception, ne saurait rendre compte totalement.
C'est d'ailleurs pourquoi la foi n'est pas un système... mais c'est une autre question.
Tout cela pour dire que, sous mon clavier, "théories des genres" n'a rien de péjoratif, au contraire : c'est tout à fait neutre, mais ça reconnaît précisément qu'il y a réflexion profonde sur le sujet. Après, je dois avouer que je n'ai pas pris les mois que tu as sans doute pris pour creuser ce sujet pourtant essentiel : priorités, urgences, tu connais Je tâcherai de lire les matériaux que tu apportes à la discussion. Je ne te promets pas que ce sera fait tout de suite, voire que ce sera fait...
J'en reviens au cliché dont je parlais au début : je commence à te connaître un tout petit peu et je ne doute pas que tu ne sois pas tombé dedans. Je constate qu'il est très présent dans la pensée de beaucoup, et nous allons donc dans le même sens pour le dénoncer. Dont acte.
Je pense pour finir que ton dernier développement se situe bien dans la ligne de ce que j'ai tenté d'expliquer, et que tu en donnes une illustration complémentaire éclairante pour moi et pour tous. Je t'en remercie de tout cœur.
Au-delà de la réaffirmation de la foi catholique, tout est bon à prendre a priori pour essayer de creuser et de toujours mieux comprendre la beauté du don que le Seigneur nous fait en nous donnant l'être, la vie et la foi. Et les "théories des genres" ne sont pas à rejeter a priori dans notre compréhension. C'est quand elles deviennent des idéologies qu'il faut rejeter, non pas la théorie, mais l'érection de la théorie en dogme souvent d'ailleurs mal compris.
Merci Emmanuel !
Très agréable de lire des commentaires, longs c'est sûr mais intelligents , sans agressivité... En plus ils sont intéressants, et invitent à des réflexions ouvrantes .
Merci Vianney, Merci, Emmanuel !!