Lectures du jour :

Première lecture : Is 2,1-5 ;
Psaume 121,1-9 ;
Deuxième lecture : Rm 13,11-14 ; 
Évangile : Mt 24,37-44.

Homélie :

Chers frères et sœurs dans le Christ, nous vivons en ce moment un temps béni par le Seigneur ! Nous vivons un temps qui devrait nous mettre dans une joie et une espérance telles que rien ne devrait nous empêcher de bondir et de nous mettre en marche vers la maison du Seigneur : « Quelle joie quand on m’a dit : "allons à la maison du Seigneur" ! »

Ouais. Bon. Je vois, à vos visages, que vous n’êtes pas forcément tout à fait convaincu. J’aimerais vous en convaincre en prenant une petite image : celle de la fusée qui doit emmener un équipage de la terre à sa destination, là-haut dans le ciel.

Cette fusée, elle est préparée très longuement à l’avance, avec parfois des dizaines d’années d’études, un travail d’ingénierie très long, très précis… tout est étudié : des moteurs à la capsule de vie de l’équipage, tout est préparé avec un soin immense, et tout est assemblé avec soin pour le jour J, où la fusée est dressée sur son pas de tir.
Le moment venu, la mise à feu est lancée : des boosters énormes arrachent la fusée à la gravité terrestre et la propulsent avec une puissance phénoménale vers le ciel, dans une accélération prodigieuse… en quelques dizaines de secondes, elle atteint les hautes couches de l’atmosphère !
À ce moment-là, les boosters s’arrêtent, et un deuxième étage prend le relais : des propulseurs moins puissants, qui ont pour mission de mener la fusée en-dehors de l’attraction terrestre. Ils n’étaient pas capables de l’arracher du sol, mais sans eux, la fusée retombera nécessairement : leur mission est donc capitale.
Enfin, une fois la fusée lancée à travers le ciel et libérée de l’attraction terrestre, le deuxième étage s’éteint, et la capsule continue, seule, sur son élan, vers sa destination.


Pour notre monde, c’est un peu la même chose.
La préparation du décollage, c’est la création, malheureusement profondément abîmée par la chute originelle. C’est la révélation progressive de Dieu à Abraham, à Isaac, à Jacob… à Moïse. C’est le long travail de préparation des prophètes qui annoncent la venue d’un Sauveur, d’un Messie, comme Isaïe que nous avons entendu tout à l’heure. Jusqu’au jour où tout est prêt…
… ce jour où le Fils de Dieu prend une nature humaine et vit parmi nous. Jusqu’au jour où Jésus meurt sur la croix et ressuscite. Extraordinaire décollage, alors, de toute notre humanité ! La croix et la résurrection du Christ, ce sont les boosters qui arrachent l’humanité au pouvoir de la mort et du péché et qui la propulsent vers le Ciel !
Nous, nous sommes le deuxième étage : Jésus nous a arraché à l’attraction de la mort, mais nous devons continuer son œuvre et continuer à propulser l’humanité vers le Ciel, vers Dieu. Le carburant pour que nous puissions continuer, c’est la grâce de Dieu, c’est la prière, ce sont l’Eucharistie et les sacrements. Sans eux, impossible d’accomplir cette mission d’une importance capitale puisque, si les moteurs s’arrêtent, la fusée retombe vers la mort !
Enfin, le jour où Jésus viendra dans la gloire, les propulseurs du deuxième étage s’éteindront, et l’humanité continuera sur son élan… soit vers la mort, si nous n’avons pas accompli notre mission, soit vers la vie éternelle, si nous l’avons accomplie.

Ce qui est vrai pour toute l’humanité est vrai aussi pour chacun de nous :
La préparation, c’est tout ce temps où Dieu nous a préparé dans son cœur, ce temps de notre conception jusqu’à notre naissance…
Le décollage, c’est notre baptême, où nous est donnée la grâce obtenue par la mort et la résurrection de Jésus, où nous sommes plongés dans sa mort pour vivre de sa vie. Ce jour-là, nous sommes arrachés à la mort et propulsés, avec une puissance extraordinaire, vers le Ciel !
Le deuxième étage, c’est notre vie quotidienne, tout au long de notre vie : notre vie de prière, notre vie sacramentelle, notre vie avec Dieu… ou loin de Dieu, et alors nous risquons bien de retomber dans la mort à cause de notre péché !
Et enfin, la course finale de la capsule, c’est notre mort… soit pour entrer au Ciel parce que l’élan que nous aura donné notre second étage nous y emmène, soit pour retomber dans la mort éternelle parce que nous n’aurons pas utilisé nos propulseurs.

Comprenez combien le temps que nous vivons est un temps béni par le Seigneur, et un temps de miséricorde !
C’est un temps de bénédiction, parce que, si nous allumons nos propulseurs de deuxième étage, si nous prions, si nous allons à la messe, si nous nous confessons, alors l’attraction du péché et de la mort ne pourra rien contre nous ! Si nous travaillons, chaque jour, à orienter l’élan de notre vie vers le Ciel, le jour où notre deuxième étage s’éteindra et que le Seigneur viendra, que ce soit pour notre mort ou pour la fin du monde, nous pourrons continuer jusqu’à lui !
C’est un temps de miséricorde, parce que le Seigneur nous laisse le temps d’atteindre la vitesse nécessaire avant de couper le second étage. Je prends un autre exemple : Jules Vernes a écrit un livre, De la Terre à la Lune, où il raconte l’histoire d’un club d’artilleurs qui décide d’envoyer un obus sur la Lune, grâce à un immense canon ! Et, dans cet obus, ils décident d’envoyer trois volontaires. Évidemment, ils se rendent compte bien vite que l’accélération provoquée par la mise à feu va nécessairement écrabouiller ces trois volontaires… ils essaient de résoudre le problème, et nous savons bien aujourd’hui que la solution qu’ils apportent n’auraient pas pu éviter la mort par écrasement total aux trois hommes. Le Seigneur ne nous met pas dans un canon pour nous faire passer de la mort à la vie, de la Terre au Ciel : il nous donne une fusée qui nous rend le voyage supportable. Difficile peut-être, mais supportable.

Comprenez combien il nous faut soigner ce temps qui nous est donné pour vivre ! Comprenez combien il peut être court et comme il nous faut donc bien l’utiliser !
Chers amis, en ce début d’Avent, réveillons-nous ! Ravivons le feu de nos propulseurs, réorientons notre trajectoire vers le Ciel si nous nous sommes un peu assoupis ! Et, pour cela, je vous propose de ne pas rêver, peinards, à un Paradis futur où Dieu « sera le juge des nations, l'arbitre de la multitude des peuples. De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles. On ne lèvera plus l'épée nation contre nation, on ne s'entraînera plus pour la guerre »… de ne pas rêver à la lumière qui nous sera donnée un jour, mais, dès aujourd’hui, à « rejeter les activités des ténèbres : revêtons-nous pour le combat de la lumière. Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans ripailles ni beuveries, sans orgies ni débauches, sans dispute ni jalousie, mais revêtons le Seigneur Jésus Christ ».
Non, ne rêvons pas à un futur improbable ! Commençons aujourd’hui ! Et alors, au jour de notre mort, au jour de la fin des temps, nous entrerons avec l’humanité dans le Ciel pour l’éternité.