Lectures du jour :

Première lecture : Sg 1,13-15;2,23-24 ;
Psaume 29,3-6.12.13 ;
Deuxième lecture : 2 Co 8,7.9.13-15 ;
Évangile : Mc 5,21-43.

Homélie :

La première lecture de ce dimanche, tirée du livre de la Sagesse, nous propose une brève méditation sur le mystère de la vie et de la mort. Un mystère qui nous renvoie en fait au double mystère de la liberté de Dieu et de la liberté de l'homme.
Comment cette liberté de Dieu et cette liberté de l'homme sont-elles entrées en dialogue, et comment, aujourd'hui, pouvons-nous nous-mêmes utiliser notre liberté en union avec celle de Dieu ? Penchons-nous quelques instants sur cette question...

« Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu'elles subsistent ; ce qui naît dans le monde est bienfaisant ».
Affirmation fondamentale ! C'est-à-dire affirmation de foi sur laquelle, vraiment, nous pouvons nous appuyer comme sur une fondation ! Dieu n'a pas voulu la mort, Dieu n'a pas créé le mal ! Il faut que cela soit très clair dans notre cœur et dans notre intelligence de la foi.
Dieu nous a créés librement. Dieu nous a donné la vie, le monde, Dieu nous a tout donné librement. Soyons clairs : Dieu n'a pas besoin de nous pour être heureux, Dieu n'a pas besoin de nous pour être Dieu. Dieu n'a pas créé l'Univers en raison d'une nécessité ou d'un besoin, non ! Dieu nous a créés et a tout créé pour une seule chose : pour notre bonheur, pour que nous puissions participer à sa joie.
Nous l'entendons, comme un leitmotiv, dans le premier récit de la création, dans la Genèse : « Dieu vit que cela était bon ». Neuf fois ! Et la dixième fois, après qu'il a créé l'homme et la femme, on entend cette confirmation : « Dieu vit que cela était très bon ». Tout est bon dans la création de Dieu.
Dieu se sert de sa liberté pour une seule chose : faire le bien, donner la vie, partager son bonheur. Dieu ne se sert de sa liberté que pour faire le bien !
Et Dieu se réjouit de donner librement la vie, l'être, le bien, la création à l'homme et à la femme qui, créés à son image, sont libres comme lui ! 

Mais voilà : « La mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon, et ceux qui se rangent dans son parti en font l'expérience ». Cette affirmation est sans doute abrupte, et on peut avoir du mal à l'entendre. Ce n'est pourtant pas moi qui l'ai inventée, et je ne peux pas la taire, parce qu'elle aussi est fondamentale : cette liberté que Dieu nous a donnée pour faire le bien, nous l'avons utilisée pour faire le mal.
Je voudrais dire une chose qui vous paraîtra sans doute un peu compliquée au premier abord : la mort n'est pas une alternative à la vie ; la mort est la négation de la vie. Qu'est-ce que cela veut dire ? Nous voyons tout autour de nous, et souvent jusque dans notre cœur, cette croyance obscure que le bien et le mal, la vie et la mort sont deux forces antagonistes entre lesquelles on peut choisir. Nous pensons souvent que nous avons le choix. Il suffit de regarder les scénarios des MMORPG (Massive Multiplayer Online Role Playing Game, eh oui ! Et je parle de jeu vidéo en homélie si je veux ! :p ) en vogue actuellement : le joueur a toujours le choix entre deux camps, celui du Mal et celui du Bien, celui de la vie et de la lumière contre celui de la mort et de l'obscurité, et ces deux choix sont valables, ces deux choix lui permettront de progresser... Mais c'est faux !
La mort, c'est la négation de la vie. Il n'y a aucun bonheur, aucune construction, aucun épanouissement possible pour celui qui choisit la mort.
Pourquoi insisté-je là-dessus ?
Parce que nous sommes libres. Dieu nous a donné la liberté pour que nous soyons maîtres de notre vie, et c'est un cadeau extraordinaire qu'il nous a fait : la liberté de choisir le bien, de choisir la vie... mais nous pouvons l'utiliser pour choisir le mal, pour choisir la mort. Refuser Dieu, c'est refuser la vie : imaginez un fleuve qui déciderait de se couper de sa source ; au moment même où il s'en coupera, il ne deviendra pas "autre chose", il disparaîtra. Il n'y aura plus rien. Refuser Dieu, c'est choisir la mort. Et nous pouvons le faire librement.
Dieu nous a donné la liberté pour que nous fassions, comme lui, le bien, pour que nous le choisissions librement et que nous choisissions librement la vie. Mais nous utilisons bien souvent mal ce bien qu'il nous a donné. Et alors, c'est la mort qui, à terme, si nous persistons, sera la conséquence.

Dieu nous a donné librement la vie, nous avons choisi librement la mort. L'histoire pourrait s'arrêter là.
Après tout, si Dieu n'a pas besoin de nous pour être Dieu, pour être heureux, il pourrait fort bien se dire : "Je leur ai tout donné, ils n'en ont pas voulu, tant pis pour eux !" Après tout, il est libre !
Mais Dieu, librement, ne nous abandonne pas. Dieu, librement, choisit encore de faire le bien. Parce que, librement, il nous aime.
Alors, toujours librement, Dieu nous relève, Dieu nous guérit, Dieu nous sauve. Nous sommes tombés librement ? Il nous relève librement. Nous nous sommes blessés en abusant de notre liberté ? Il nous guérit, librement. Nous avions délibérément choisi la mort ? Dieu nous donne, encore et toujours, sa vie.
Mais, même pour cela, il aurait pu se dire : "Je leur ai donné la liberté, ils ont fait n'importe quoi ! Je vais les sauver, mais je leur reprends cette liberté dont ils font si mauvais usage !"
Eh bien non ! Saint Augustin disait : "Dieu t'a créé sans toi, il ne veut pas te sauver sans toi !" Dieu, librement, nous relève, nous guérit, nous redonne la vie, mais il nous redonne aussi la liberté, pour que nous puissions choisir librement de recevoir ce salut qu'il nous offre. Nous croyons souvent que la liberté de Dieu est contre la nôtre ; nous croyons souvent que, pour affirmer notre liberté, il nous faut lutter contre celle de Dieu. Pas du tout ! La liberté de Dieu n'agit pas contre la nôtre, au contraire : il veut que notre liberté épouse la sienne, qu'il n'utilise que pour faire le bien. Il veut que nous croyions en lui librement, et c'est quand nous lui donnons notre foi, librement, qu'il nous sauve !
À la femme malade comme à Jaïre, Jésus dit : « Va, ta foi t'a sauvée », ou bien : « Ne crains pas, crois seulement ! » C'est quand nous croyons librement en lui que nous recevons de lui la vie que nous avions refusée librement. Quelle bonne nouvelle, n'est-ce pas !?

Chers amis, nous sommes libres. Libres de faire le bien ou le mal. Libres de choisir la vie ou la mort. Libres de mettre notre liberté en celle de Dieu ou de la refuser.
Utilisons notre liberté, à chaque instant, en toutes circonstances, comme Dieu l'utilise, pour faire le bien, en mettant notre foi en lui : c'est lui qui nous en rend capables ! Dans cette eucharistie, renouvelons notre foi en lui, remettons-nous à lui de tout notre cœur, pour qu'il nous relève, nous guérisse, nous sauve et nous rende vraiment libres pour le bien, pour la vie ! Réjouissons-nous de tout notre coeur avec lui !