Lectures du jour :

Première lecture : 2 Ch 36,14-16.19-23 ;
Psaume 36,1-6 ;
Deuxième lecture : Ep 2,4-10 ;
Évangile : Jn 3,14-21.

Ayant souffert deux-trois jours d'un méchant virus, je n'ai pas eu beaucoup le temps de préparer cette homélie, dont le plan fut écrit (au feutre rose, dimanche de laetare oblige !) sur un bout de papier. Le problème, c'est que ce plan n'a pas grand sens en-dehors du contexte ; en conséquence, je me suis remis à la tâche pour vous livrer un texte compréhensible, avec même une photo à l'appui du chœur de l'église où je l'ai prononcé... vous allez comprendre !

... Pardon ? Ah ? Est-ce donc possible ?
On me dit que tout le monde ne comprend pas l'allusion au rose, dimanche de laetare, tout ça... je m'explique donc : le quatrième dimanche de Carême se situe juste après la mi-carême. Ce jour-là, l'antienne d'introduction à l'Eucharistie est la suivante : "Réjouissez-vous avec Jérusalem, exultez à cause d'elle, vous tous qui l'aimez ! Avec elle, soyez pleins d'allégresse, vous tous qui portiez son deuil ! Ainsi, vous serez nourris et rassasiés de l'abondance de sa joie !" ("Réjouissez-vous" se disant "laetare" en latin, d'où le nom du dimanche de laetare). Ce jour-là, le blanc de la joie de Pâques qui s'annonce pour bientôt vient se mélanger au violet de la pénitence, comme pour rappeler aux fidèles que le Carême a pour but une plus grande joie, et non pas la pénitence pour la pénitence... et les ornements peuvent donc s'éclaircir jusqu'à atteindre un beau rose, utilisé deux fois seulement dans l'année (l'autre occasion étant le troisième dimanche de l'Avent, surnommé dimanche de gaudete, ce qui veut dire... "réjouissez-vous", eh oui !).
Ce dimanche, j'étais donc habillé d'une fort belle chasuble rose qui a fait sensation, mais c'est pour l'honneur du Seigneur et non pour le célébrant (qui, tout de même, se réjouit du petit effet qu'il a provoqué :) ).

Mais revenons à cette homélie, prononcée aussi devant les enfants du catéchisme spécialement rassemblés à cette messe et pour sept enfants qui célébraient ce jour-là leur troisième étape vers leur baptême, étape précisément orientée sur l'exorcisme.

Homélie :

Croix souffrante, Croix joyeuse !Chers amis, chers enfants, vous voyez derrière moi deux croix.
La première, celle d'en-bas, nous présente un Christ en Croix souffrant, misérable, mort, un crucifié dans tout ce qu'il peut avoir d'abîmé, de détruit... La seconde, celle d'en-haut, nous présente un Christ en Croix glorieux, resplendissant, bien vivant ! Joyeux, même !
Et pourtant, cette Croix, celle d'en-bas et celle d'en-haut, c'est la même Croix ! La tentation qu'on peut avoir bien souvent, c'est d'oublier celle d'en-bas pour aller tout de suite à celle d'en-haut... ou bien, au contraire, d'oublier celle d'en-haut pour en rester à celle d'en-bas. Mais nous ne pouvons pas séparer les deux ! La Croix souffrante et la Croix joyeuse sont la même Croix du Christ, et il nous faut accueillir les deux ensemble, parce que c'est la même.
Mais comment pouvons-nous passer de l'une à l'autre ?

Je vous le demande, à vous, les enfants : pourquoi Jésus meurt-il sur la Croix ? (et je ne résiste pas à l'envie de vous livrer une réponse d'un enfant : "Parce qu'il est catholique !" :D ) À quoi ça sert ?
La réponse, nous la trouvons dans la première phrase de l’Évangile d'aujourd'hui : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. »
Voilà pourquoi Jésus meurt sur la Croix : pour nous donner la vie éternelle.

Mais comment un crucifié peut-il me donner la vie éternelle ? Comment est-ce possible ? Et, d'ailleurs, qu'est-ce que c'est que cette histoire de serpent de bronze élevé par Moïse ?
Rappelez-vous... le peuple hébreu marche dans le désert, il râle parce qu'il en marre, et voilà que des serpents "à la morsure brûlante" se mettent à mordre les uns et les autres, qui meurent bientôt ! Le peuple crie vers le Seigneur, qui dit à Moïse de sculpter un serpent en bronze et de le mettre sur un poteau : toute personne mordue par un serpent qui regardera ce serpent de bronze sera guérie et ne mourra pas !
Voilà une méthode étonnante que celle-ci : le Bon Dieu oblige les gens qui souffrent à cause du serpent et qui vont mourir à cause de lui à le regarder bien en face, et alors il les sauve.

Eh bien, avec la Croix, c'est la même chose : Jésus sur la Croix nous montre le mal dont nous souffrons. Jésus sur la Croix nous montre ce que le péché fait à l'homme : il le détruit, il le rend méconnaissable, il le fait souffrir et finalement il le fait mourir. Voilà ce que notre péché nous fait, à nous ! Le mal que nous faisons nous fait mal, il nous abîme, il rend notre âme comme Jésus sur la Croix. Et ce n'est pas joli. Vraiment pas.
Voilà ce que nous voyons sur la Croix d'en-bas, sur la Croix souffrante : l'état où nous sommes quand nous sommes dans le péché. Et ce n'est pas joli. Vraiment pas.
Mais si nous osons le regarder, alors le Bon Dieu veut nous guérir, nous relever, nous faire vivre, nous donner la vie éternelle, comme nous le dit l’Évangile !

Alors nous avons deux solutions : soit je me planque, dans les ténèbres, soit je me montre, en pleine lumière.
Vous connaissez peut-être sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus. Eh bien, Thérèse, quand elle était petite, avait compris quelque chose de très important : quand elle avait fait une bêtise, quelque chose de vraiment pas bien, elle attendait son cher Papa juste derrière la porte d'entrée. Et, dès qu'il entrait, elle se jetait dans ses bras et lui disait tout de suite : "Papa, j'ai fait telle grosse bêtise !" Qu'est-ce que vous croyez qu'avait envie de faire ce cher Papa à sa petite fille ? Il avait envie de la gronder et de la punir ? Bien sûr que non ! Il avait juste envie de la serrer dans ses bras en lui disant : "Ce n'est pas bien du tout, ce que tu as fait là, et tu as raison d'avoir de la peine ! Mais je te pardonne de tout mon cœur parce que je t'aime !"
Eh bien, nous aussi, nous avons le choix :
je peux me planquer sous mon lit, dans les ténèbres, parce que j'ai peur de la punition que je pourrais avoir, ou parce que j'ai honte du mal que j'ai fait, ou bien encore parce que le mal que j'ai fait me fait mal...
ou je peux me montrer devant le Bon Dieu, en pleine lumière, non pas parce que j'ai peur de sa punition, mais parce que je sais qu'il m'aime infiniment, comme un bon Père ; non pas parce que j'ai honte de mon péché, mais parce que je sais qu'il me pardonne de tout son cœur, comme un bon Père ; non pas parce que j'ai mal à cause du mal que j'ai fait, mais parce que je sais qu'il veut me guérir, comme un bon médecin...

Voilà pourquoi nous sommes invités à nous montrer, en pleine lumière, devant le Bon Dieu. Voilà ce qui nous fait passer de la Croix souffrante d'en-bas à la Croix joyeuse d'en-haut ! Cette unique Croix du Christ, elle est à la fois le signe de notre péché et le signe de l'amour du Bon Dieu pour nous !
Cette Croix du Christ, elle est notre joie, non pas à cause de nos péchés qui font souffrir Jésus et qui nous font souffrir, mais à cause de l'amour du Père que Jésus nous révèle en donnant sa vie pour nous !
Alors, aujourd'hui, osons nous montrer devant Jésus, devant son Père, en pleine lumière, dans la joie d'être aimés par un Dieu qui est si bon !