Lectures du jour :

Première lecture : Gn 9,8-15 ;
Psaume 24,4-10.14 ;
Deuxième lecture : 1 P 3,18-22 ;
Évangile : Mc 1,12-15.

De retour de vacances, une homélie trop rapidement préparée, mais qui, je crois, peut nous lancer tout de même dans ces beaux quarante jours de Carême !

Homélie :

Il y a trois jours, je déjeunais avec quelques amis à 1900 mètres d’altitude, en un lieu qui s’appelle « La croix du Christ ». Devant moi, j’avais la montagne, la vallée, en descente vertigineuse, le Mont-Blanc, et le ciel bleu. Et, entre les deux, comme placée entre ciel et terre, la croix du Christ.
Et voilà que la première lecture de ce dimanche nous parle de l’arc-en-ciel, cet arc que Dieu place entre ciel et terre, comme pour relier l’un à l’autre, pour rappeler l’alliance qu’il scelle ce jour-là entre Noé et lui-même.
Deux signes, l’arc-en-ciel et la croix. Deux signes pour deux alliances entre Dieu et l’humanité.
Entre ces deux alliances, il y a des ressemblances et des différences, et j’aimerais en distinguer quelques-unes avec vous.

Des ressemblances.
La première, elle est évidente, mais nous avons souvent tendance à l’oublier : la première ressemblance, c’est que c’est Dieu qui est à l’origine de ces deux alliances. C’est Dieu qui prend l’initiative de se révéler à Noé, de lui annoncer le déluge qui vient et de lui donner les moyens d’y survivre, avec sa famille et un couple de chaque espèce d’animal que porte la terre. C’est encore Dieu qui prend l’initiative, à travers les siècles, de se préparer un peuple, de se préparer une mère, et d’accomplir l’œuvre qui scellera l’alliance nouvelle et éternelle.

Une seconde ressemblance, c’est le but des deux alliances : elles surviennent toutes les deux après une purification de la terre, et elles ont toutes les deux pour but de donner la vie à ceux qui ont traversé cette épreuve. Dans l’une comme dans l’autre alliance, il y a un passage, une plongée, un baptême de l’humanité dans le mystère du mal, de la souffrance et de la mort, pour lui donner la vie.

Il y a sans doute d’autres ressemblances, mais on voit déjà surgir les différences entre les deux, et je voudrais en pointer deux avec vous.
Nous l’avons vu, ces deux alliances surviennent chacune après une épreuve qui a pour but de purifier la terre, de purifier l’humanité du péché qui se multiplie en son sein et qu’elle n’arrive pas à maîtriser. Mais ces deux purifications sont profondément différentes.
La première, le déluge, plonge l’humanité pécheresse, plonge la terre tout entière dans l’eau, et détruit du même coup le pécheur avec son péché. C’est une purification par la destruction, par la mise à distance radicale du pécheur d’avec Dieu. Elle plonge l’humanité dans la conséquence de ses propres actes mauvais, et la conséquence, c’est la mort.
La seconde alliance, elle, se fait d’une manière très différente : nous voyons, dans l’Évangile d’aujourd’hui, Dieu se plonger lui-même dans l’humanité pécheresse. Jésus vient d’être baptisé au Jourdain, de faire cet acte de pénitence et de conversion dont lui-même n’a nullement besoin, et il s’enfonce dans le désert pour être tenté par Satan et en sortir victorieux. Et le règne de Dieu qu’il annonce ensuite sera inauguré par sa passion et sa mort sur la croix. Nous ne sommes plus dans une purification par la mise en contact brutale avec les conséquences de nos fautes, mais par la mise en contact avec le bien absolu, avec la bonté absolue, avec Dieu lui-même. Ce n’est plus le pécheur qui est détruit, mais c’est le péché qui est détruit en lui. Voilà la première différence.

Et la seconde que je voudrais voir avec vous est presque choquante, elle est une conséquence de cette manière très différente dont Dieu opère la purification…
Au déluge, Dieu détruit le péché en détruisant les pécheurs, et il sauve Noé, le juste, et avec lui sa famille et les autres êtres vivants qui montent sur l’arche. Cela nous convient fort bien : il est juste et normal que ceux qui ont péché paient le prix de leur faute… et si ce prix est la mort, eh bien, qu’ils paient ! C’est une justice qui nous paraît naturelle, et c’est la justice qui s’opère dans le monde depuis qu’il existe.
Mais, dans la passion et la mort de Jésus sur la croix, c’est l’inverse qui se passe ! Jésus, le juste, est tenté, persécuté et mis à mort, et ce sont les pécheurs, les persécuteurs qui survivent ! Plus encore, c’est par la mort de Jésus que nous, pécheurs, nous recevons la vie de Dieu que nous avions perdue à cause du péché d’Adam et Ève.
Voilà qui est extraordinaire ! Voilà qui peut être source de joie et d’émerveillement pour nous en ce début de Carême ! Comment ne pourrions-nous pas rendre grâce au Seigneur pour cette merveille ?

Pour conclure, deux conséquences de ce que nous avons dit : 1. Nous ne devons pas avoir peur de nous approcher de Dieu pour être purifiés, guéris à son contact, puisque c’est lui qui s’est fait si proche de nous pour nous purifier en nous touchant, en vivant avec nous. 2. Nous pouvons nous unir à Jésus dans toute sa vie, et, en ce temps de Carême, particulièrement à sa croix : lui avait le choix de vivre, de souffrir et de mourir avec nous, et il l’a choisi, pour nous sauver du péché et de la mort. Nous, nous n’avons pas le choix de vivre, de souffrir et de mourir, mais nous pouvons faire le choix de vivre, souffrir et mourir avec lui, pour avoir part à sa vie.
Parce que, quand Dieu fait alliance avec nous, c’est toujours pour nous donner sa vie !

Croix du Christ