3ème dimanche TO - Année B - Dimanche de la semaine de prière pour l'unité des chrétiens
Par P. Vianney le dimanche 22 janvier 2012, 18:15 - Homélies - Lien permanent
Un aussitôt durable ?
Première lecture : Jon 3,1-5.10 ;
Psaume 24,4-9 ;
Deuxième lecture : 1 Co 7,29-31 ;
Évangile : Mc 1,14-20.
Comme quoi tout arrive... aujourd'hui, une homélie en temps et en heure ! J'en suis même tellement fier que je n'attends pas l'heure habituelle pour la mettre en ligne
Homélie :
Dans les lectures d’aujourd’hui, un mot revient trois fois : aussitôt.
« Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu ». « Aussitôt, laissant leur barque et leur filets, ils suivirent Jésus ». « Jésus les appela aussitôt, alors ils partirent derrière lui ».
Cet aussitôt, cette immédiateté de la conversion des Ninivites et de la réponse des quatre premiers apôtres peut nous sembler admirable, et sans doute l’est-elle. Mais elle peut aussi nous entraîner dans un rêve, et un rêve qui ne mène finalement à rien de concret.
Nous vivons bien souvent dans ce rêve de l’aussitôt : tout nous pousse aujourd’hui à l’immédiateté, à profiter de l’instant présent sans chercher plus loin. Je vois le dernier iPhone 4S (sans doute suis-je déjà dépassé, je n’arrive pas à suivre) ? Aussitôt, je le veux, et je l’achète. Six mois plus tard, le nouvel iPhone 4S++ nouvelle génération apparaîtra, aussitôt, il me le faudra. J’ai un petit peu faim ? Houlala ! aussitôt, j’ouvre mon frigo et je me restaure en grignotant ce qui vient. Il est trois heures de l’après-midi, mais ce n’est pas grave. Cette fille que je croise dans la rue ou en soirée me plaît ? Aussitôt… vous connaissez la suite, trois jours après, elle n’existe souvent même plus.
Quelle valeur peuvent donc bien avoir ces aussitôt aussi vite passés qu’arrivés ? Cette succession d’instants sans engagement et sans durée ?
L’autre face du même rêve, c’est celle de la conversion immédiate et totale, aussitôt, sans effort. Comme si, le jour où le Seigneur faisait irruption dans ma vie, paf ! j’étais retourné, je n’avais qu’à dire oui, et puis tout serait parfait, beau et heureux pour toujours, sans que j’aie, à mon tour, à m’engager sur un chemin avec le Seigneur qui m’a rejoint ce jour-là sur le mien. Trop facile ! Mais c’est un rêve, ça ne se passe jamais comme cela.
Qu’est-ce qui fait la valeur d’une conversion ? Qu’est-ce qui fait la valeur d’une rencontre, d’un instant où tout peut basculer et où tout bascule effectivement ?
Vous, les jeunes, est-ce que vous vous préparez, aujourd’hui, à être disponibles à cet instant, à cette rencontre qui donnera un sens à votre vie ? Est-ce que vous vous préparez à l’irruption du Seigneur, peut-être, dans votre vie, pour vous appeler à telle ou telle vocation ? Serez-vous prêts à répondre, ce jour-là ? Cet aussitôt qui viendra peut-être, serez-vous prêts à l’attraper au vol ?
Simon et André, Jacques et Jean, ils ont très certainement rencontré Jésus plusieurs fois, avant d’être appelés. Rappelez-vous l’évangile de dimanche dernier : « Voici l’Agneau de Dieu », dit Jean-Baptiste à André, qui rencontre Jésus ce jour-là, et qui le lendemain lui amène Simon : « J’ai trouvé le Messie ! » Le jour où Jésus, qu’ils ont reconnu comme le Messie, les appelle, ils sont prêts à le suivre aussitôt, mais ça ne s’est pas fait en un instant !
Et les Ninivites ? OK, ils ne se sont pas beaucoup préparés, visiblement… mais Dieu, depuis longtemps, les portait dans son cœur et les préparait à entendre la parole violente de Jonas, et à y répondre aussitôt. Ça ne s’est pas fait paf ! comme ça !
Et vous, qui vous êtes déjà engagés dans la vie : peut-être certains, parmi vous qui êtes mariés, ont eu le coup de foudre pour leur future épouse ou leur futur mari ? Qu’est-ce qui fait la valeur de ce coup de foudre ? Peut-être certains, parmi vous qui vous êtes engagés d’une manière ou d’une autre dans la vie, ont-ils eu un jour une rencontre, une illumination soudaine, une idée géniale qui a changé leur vie ? Qu’est-ce qui fait la valeur de cet instant, de cet aussitôt si vite passé ?
Ce qui fait la valeur d’un aussitôt décisif, d’une rencontre, d’un appel, d’une conversion, c’est le fait qu’il dure. C’est notre engagement, notre fidélité à cet instant précis où nous avons été retournés, où nous nous sommes convertis, où nous nous sommes laissés entraîner par cette rencontre, où nous avons dit oui pour toujours.
La valeur de la réponse des apôtres à l’appel de Jésus, elle n’est pas tellement dans cet aussitôt, elle est dans le fruit qu’il a porté dans leur vie et dans l’histoire.
La valeur du coup de foudre de ce couple qui a cinquante ans de mariage, c’est justement ces cinquante ans de mariage et les fruits qu’ils portent… oh, ça n’a pas toujours été facile, mais ils sont toujours là. La valeur de la réponse à l’appel de tel ou tel vieux prêtre, ce n’est pas seulement le jour où il a dit oui qui la lui donne, c’est ces quarante, cinquante ans de service du Christ dans leurs frères et dans l’Église… oh, ça n’a pas toujours été facile, mais ils sont toujours là.
Sommes-nous prêts à donner à nos élans, à nos rencontres, à nos désirs, ce poids-là, cette valeur-là, cette durée-là, qui se déploie non seulement dans le temps de notre vie et de notre monde, mais jusque dans l’éternité ?
Nous prions pour l’unité des chrétiens ? Sommes-nous prêts, au-delà de cette petite semaine, à nous engager plus profondément, plus concrètement, plus fidèlement, dans la prière et dans l’action, pour que cette unité soit rendue possible ?
Prions le Seigneur pour que, le jour où cette unité sera recouvrée dans l’éternité, elle ne soit pas simplement le fruit d’un pur don, aussitôt, de sa part, mais aussi le fruit de notre travail patient, fidèle, dans la durée de notre vie.
Commentaires
Aussitôt... L'évangile de Marc est truffé de ce mot. Le plus condensé, le plus direct. Comme si relire la vie de Jésus, l'annonce de la Bonne Nouvelle, c'était comme relire cinquante ans de vie commune : les moments les moins importants s'estompent... Et ne restent que les instants forts, les plus chargés de sens ; et presque rien entre deux... Aussitôt.
Quant à la conversion... Je travaille sur une exégèse d'Osée 11, avec beaucoup de jeux sur les distances, le retour (racine shouv, revenir, très présente)... et Dieu dont le coeur se retourne (Osée 11, 8b), et qui pardonne. Un aussitôt, une conversion qui donne du fruit !
Deux réflexions... pas très abouties, mais peut-être me pardonneras-tu un lundi matin un peu embrumé ? Et merci pour ce partage !
"Seigneur Jésus,
qui a prié pour que tous soient un,
nous te prions pour l'unité des chrétiens, telle que tu la veux,
par les moyens que tu veux.
Que ton Esprit nous donne
d'éprouver la souffrance de la séparation,
de voir notre péché,
et d'espérer au-delà de toute espérance.
Amen."
Composée par des membres de la Communauté du Chemin Neuf à partir de la prière de l'abbé Couturier.
Cette prière m'a "parlée" dès la première fois que je l'ai lu, et je sais maintenant pourquoi...
On y demande cet "aussitôt" dont tu parles, mais on demande aussi la conversion de nos cœurs, afin qu'ils soient prêts à accueillir cet "aussitôt" !!
C'est pas facile à exprimer clairement, mais j'y vois plein de choses qui rejoignent ta belle réflexion...
pouvez vous me guider dans la compréhension de cette phrase dans la prière pour l'unité des chrétiens : "que ton esprit nous donne d'éprouver la souffrance de la séparation"
Chère Zélie, bienvenue sur ce blog, et merci pour votre commentaire. La prochaine fois, n'oubliez pas de répondre à la petite question avant de cliquer sur "Envoyer" : il se trouve que j'étais en train de publier un article, ce qui est plutôt rare... sinon, j'aurais sans doute mis plusieurs jours à découvrir votre commentaire et à y répondre.
Quand nous avons un problème de santé, par exemple que nous nous brûlons un doigt, il y a immédiatement une douleur qui nous alerte, un symptôme qui se déclenche et qui nous permet d'agir pour corriger, pour soigner, pour guérir... cette douleur n'existe pas pour elle-même, elle est un signal d'alarme qui permet de déclencher une action salvatrice. L'absence de douleur serait une catastrophe, puisqu'elle nous empêcherait de retirer le doigt de la plaque de cuisson qui est en train de le cuire, ce qui aurait pour résultat la perte du doigt, voire un début de septicémie qui peut entraîner la mort.
Quand nous demandons au Seigneur de nous faire "éprouver la souffrance de la séparation", ce n'est pas pour lui demander d'avoir mal parce que nous aimerions cela ! C'est lui demander de nous donner ce signal d'alarme dont nous avons malheureusement bien souvent besoin, autrement nous ne ferons pas grand-chose : le confort n'a jamais aidé à agir efficacement et rapidement. "Je vais bien, tout va bien" est une formule bien courante et bien vraie.
Demandons au Bon Dieu de nous faire éprouver cette réelle blessure bien ouverte dans le cœur de l’Église, non pas parce que nous serions masochistes, mais parce que cette blessure est réelle et qu'il nous fait la soigner, il nous faut prier le Divin Médecin qu'est le Saint-Esprit de venir la soigner et la guérir avec notre participation.
J'espère avoir commencé à répondre à votre question ! Que Dieu vous bénisse !