Lectures du jour :

Première lecture : Is 61,1-2a.10-11 ;
Psaume : Lc 1,46b-50.53-54 ;
Deuxième lecture : 1 Th 5,16-24 ;
Évangile : Jn 1,6-8.19-28.

Je n'arrive plus à écrire mes homélies avant de les dire ; pourtant je les travaille, mais plus souvent à la main. Celle-ci était écrite sur le dos d'une feuille ayant servi à un livret de baptême, au feutre... rose, comme il se doit, à défaut d'avoir déjà une chasuble de cette couleur ! C'est dit, le prochain dimanche de Gaudete, j'en aurai une ! :)
Enfin, tout cela pour dire que le passage d'un papier de brouillon, perdu de surcroît, à la version bloguistique est un brin ardu : écrire une homélie que l'on a déjà dite, cela ressemble à une perte de temps... Toutefois, je vous résume celle que j'ai dite en ce beau dimanche, à deux très belles messes, l'une avec cinq premières communions de petits adorables et tout plein de fiancés, l'autre animée par - excusez du peu - les jeunes de l'aumônerie et les Scouts et Guides de France de la paroisse dont je suis aussi l'aumônier. L'église débordait, ça chantait, ça jouait de tous les instruments, c'était beau.
Dimanche prochain, pas de présidence de messe, pas de prédication. Vous êtes prévenus ;)

Homélie :

« Frères, soyez toujours dans la joie », nous commande saint Paul dans la deuxième lecture de ce jour.
Ce commandement, quand on y pense, est un peu audacieux : comment peut-on commander d'être joyeux ? Et en plus d'être toujours joyeux ? Qu'est-ce donc que cette joie dont saint Paul nous parle dans ce passage ?
Je vous propose de distinguer deux types de joies : les fausses et les vraies. Et, dans les vraies joies, nous irons un peu plus loin en essayant de voir comment répondre au toujours de Saint Paul.

Les fausses joies. Oh, nous en avons tous connues, des fausses joies, malheureusement. Les fausses joies, ce sont celles qui nous trompent, celles qui promettent et qui, finalement, déçoivent, soit parce que nous nous sommes trompés, soit parce nous avons été trompés.
Faut-il donner des exemples ? Allons : manger, c'est bien, mais manger trop... les réveillons trop copieux, c'est joyeux, mais l'indigestion qui suit l'est beaucoup moins ! C'est d'ailleurs bien triste de voir que c'est souvent au moment de Noël que cette fausse joie est tellement répandue. Et boire trop ? On dit souvent de quelqu'un qui a un peu trop bu qu'il est "joyeux", mais il n'est pas joyeux quand il rigole *hin hin hin*... il est surtout bien bête. Et le lendemain, avec sa gueule de bois, il n'est plus joyeux du tout. Et "s'éclater" ? Tu vas en boîte, tu danses comme un dératé sur de la musique qui n'élève pas l'âme, tu bois un coup de trop, et tu te réveilles le lendemain matin dans un lit avec un type ou une nana que tu ne connais même pas... Oh, sans doute, je l'espère, aucun d'entre vous n'a jamais vécu cela ! Mais cela ne se voit pas que dans les mauvaises séries télés, malheureusement !
Pire encore : la joie de faire du mal, la joie de faire mal. Quand on pense à la joie d'Hérodiade quand sa fille lui a apporté la tête de Jean-Baptiste, celui que nous entendions dans l’Évangile, comment croire que c'est une vraie joie ? Quelle tristesse que cette joie affreuse ! Mais n'avons-nous jamais été faussement joyeux de nous moquer de notre voisin ? Allons, jamais ?
Tout cela, ce sont des fausses joies, des joies qui trompent, des joies qui font mal, qui promettent et qui tuent ensuite. Et c'est cela que nous demande d'éviter l'Apôtre Paul quand il nous dit : « éloignez-vous de tout ce qui porte la trace du mal ».

Et les vraies joies, alors, quelles sont-elles ? Oh, j'espère que vous en connaissez tous, des vraies, des belles joies, celles qui nous rendent heureux !
Par exemple, manger un bon repas en famille : manger bien, mais sans excès, dans la joie de se retrouver tous ensemble. En voilà, une belle, une vraie joie ! Et boire un bon verre de vin, un bon Bordeaux de derrière les fagots que l'on a débouché pour une belle occasion, voilà une vraie joie ! D'ailleurs, dans la Bible, le vin est le signe de la joie et de l'amour ! Il ne s'agit pas d'en boire trop, mais d'en boire bien, et alors, que c'est bon !
Et la joie de construire, d'arriver au bout d'un projet ? Regardez la joie de l'homme qui a passé sa vie à construire une maison pour sa famille, et ça y est, elle est là, toute neuve et toute belle ! Quelle joie ! Ou encore la joie de transmettre de belles choses, de belles valeurs à nos enfants... Oh, oui, nous en avons, des vraies, des belles joies ! Toutes ces promesses tenues qui nous font dire que oui, malgré tout, la vie est belle...
Mais tout de même, il y a un truc qui est étonnant. Toutes ces vraies, ces belles joies, on aimerait bien qu'elles ne passent pas, qu'elles durent toujours ! Et, malheureusement, une fois que le verre est fini, il est fini ! Et, malheureusement, la belle maison, le jour où je meurs, je ne l'ai plus ! Et mes enfants, il va me falloir les quitter et les laisser vivre leur vie... même si j'aurai la joie de les revoir de temps en temps, j'espère.
Toutes ces joies, elles finissent parce qu'elles sont attachées à nos propres forces et à nos propres limites. C'est normal. Et pourtant, nous aimerions tant qu'elles durent toujours, comme l'Apôtre nous le commande ! Cela est-il seulement possible ?

Eh bien oui, c'est possible !
Toutes ces vraies, ces belles joies, bien qu'elles soient passagères, n'en sont pas moins vraies. Il s'agit alors de les élever, ou de les faire élever jusqu'à la joie qui ne finit pas.
Tenez, un exemple : manger trop, c'est une fausse joie, mais manger bien, c'en est une vraie... même si elle passe. Mais regardez ces cinq enfants, là, qui vont communier pour la première fois tout-à-l'heure : que vont-ils faire ? Eh bien, ils vont manger ! Et vous voyez leur joie ? Elle est belle à voir, non ? Cette joie, elle trouve sa source dans le fait qu'ils vont manger, oui, qu'ils vont manger le Corps du Christ ! Parce qu'ils s'unissent à la volonté de Dieu qui veut faire toute leur joie pour l'éternité, voilà une joie qu'ils reçoivent, par un acte apparemment banal, et qui est une promesse de joie éternelle.
Tenez, un autre exemple : ces fiancés, là, ils ne sont pas beaux, ces fiancés ? Ils ne sont pas joyeux ? Pourtant, une femme, un homme, c'est sympa, c'est beau, mais enfin ça vieillit ! Le mariage, quelle joie, n'est-ce pas ? Mais enfin, au bout de trois, dix, vingt ans... ce n'est pas toujours la joie parfaite tous les jours ! Qu'est-ce qui fait leur joie ? Leur joie, elle trouve sa source dans le fait qu'ils vont se marier, et que le mariage est élevé au rang de sacrement par notre Seigneur Jésus, et que, comme sacrement, il est promesse en cours de réalisation du don de la joie éternelle !
Voilà comment rendre éternelles nos vraies joies, nos belles joies, bien que trop petites si elles ne sont que le résultat de nos pauvres forces et faiblesses : en unissant en tout notre volonté à celle du Bon Dieu qui ne souhaite qu'une seule chose... nous donner sa joie à lui, le Dieu éternel à l'amour infini, pour l'éternité. Quand notre joie trouve sa source dans l'infini éternel de Dieu, alors elle aussi devient éternelle et ne passe pas.
Et, comme Jean-Baptiste qui se réjouit de n'être pas le Christ, mais de préparer ses chemins, nous pouvons chanter avec Isaïe : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu ! »