Lectures du jour :

Première lecture : Pr 31,10-13.19-20.30-31 ;
Psaume 127,1-5c.6a ;
Deuxième lecture : 1 Th 5,1-6 ;
Évangile : Mt 25,14-30.

J'aurais pu prêcher sur la première lecture, mais je suis peu qualifié pour cela : je suis sûr que les époux sauront mieux dire eux-même à leurs épouses leur joie de les aimer et d'être aimés par elles ;)

Homélie :

« Ce serviteur bon à rien, jetez-le dehors dans les ténèbres ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents ! »
Oh ! On en a fait des tonnes, sur cette phrase-là ! Il paraît même qu’il fut une époque, pas si lointaine, où, quand on parlait des fins dernières, on ne retenait que cela : « Il y aura des pleurs et des grincements de dents »… comme si la peur d’un châtiment pouvait engendrer le désir sain de se tourner vers celui qui est supposé le donner, comme si la peur pouvait donner des ailes pour autre chose que pour fuir.
Vous avez bien écouté, n’est-ce pas, cette belle parabole que Jésus nous raconte ? N’avez-vous donc entendu que la dernière phrase ? J’espère que non.

Rappelez-vous les paroles du serviteur « mauvais et paresseux » : que dit-il à son maître ? « Seigneur, je savais que tu es un homme dur (…). J’ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. »
J’ai eu peur… la raison pour laquelle cet homme agit de cette manière, c’est précisément la peur, et c’est cette peur qui, finalement, cause sa perte.
Le jugement de cet homme se retourne contre lui-même : le maître ne fait que reprendre ses paroles et son jugement pour le lui appliquer, en respectant, jusque dans ses conséquences ultimes – et elles sont dramatiques ! – son jugement et sa liberté.
Cet homme ne veut rien recevoir de lui, ne veut rien faire de ce qu’il lui a donné ? Tant pis, il reprend ce qu’il lui a refusé et le donne à un autre.
Cet homme ne veut pas être avec lui ? Tant pis, il le congédie loin de sa joie, et, loin de la joie, il ne reste que les grincements de dents et les ténèbres : mais c’est le serviteur qui les a choisis, pas le maître.
La peur ne peut pas engendrer la relation, la peur ne peut pas engendrer l’amour. La peur empêche non seulement de donner, mais elle empêche même de recevoir !

Regardons en effet attentivement ce qui se passe : le maître donne à chaque serviteur une partie de ses biens, « à chacun selon ses capacités ». Et, quand, il revient, « longtemps après », il leur demande des comptes, mais il n’est écrit nulle part que, ce qu’il leur a donné, il le reprend ! Non, au contraire, il se réjouit des beaux fruits que ses serviteurs ont fait porter à ce qu’il leur avait donné, et il les invite à entrer dans sa joie… avec la mise de départ et avec les gains !
Plus encore : un talent, c’est environ 25 kg. Celui qui a reçu 5 talents, il a quand même reçu 125 kg d’argent ! Et voilà que le maître lui dit : « tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ! » Peu de choses, 125 kg d’argent ? Et j’en recevrai beaucoup ? Il y a de quoi se réjouir, non ?
Les deux premiers serviteurs ont reçu sans peur le don extraordinaire que leur a fait, avec confiance, leur maître. Et, quand celui-ci revient, c’est sans peur qu’ils se présentent devant lui, comme un enfant pourrait se présenter devant son père avec un carnet de notes rempli de 18/20 : "Regarde tout ce que j’ai fait de beau avec ce que tu m’as donné !" Et le maître se réjouit avec eux, et leur promet infiniment plus encore !
Le troisième serviteur, lui, a eu peur. Il a quand même reçu, lui aussi, une belle somme, mais il n’a pas osé croire qu’elle lui a été donnée. Alors il l’a planquée, et, quand le maître revient, il la lui rend : « J’ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici, tu as ce qui t’appartient. » Nous sommes quittes, je ne te dois rien, tu ne me dois rien, laisse-moi partir, je t’en prie ! Et il est exaucé : le maître ne lui impose pas ce don qu’il ne veut pas recevoir. Il ne veut pas se réjouir, ne lui imposons pas notre joie qui lui fait si peur !
La peur empêche de recevoir.

Et la peur empêche de donner, de se donner.
Les deux premiers serviteurs ne se sont pas contentés de recevoir le beau cadeau de leur maître : ils se sont mis au travail pour le faire fructifier. Ils l’ont investi, et l’on sait qu’investir signifie aussi prendre le risque de perdre l’investissement, signifie aussi que l’on va devoir travailler dur pour que l’investissement porte son fruit.
Pour avoir un bénéfice de 100%, ils ont dû travailler dur, se donner à fond ! Et quelle joie, alors, quand ils apportent le fruit de leur engagement total à leur maître, et quelle est la joie de leur maître !
Le troisième serviteur, lui, a enterré soigneusement le talent qu’il avait reçu. Il n’a rien risqué, pas même de le placer à la banque où pourtant il ne risquait pas grand-chose. Il n’a rien voulu recevoir, le voilà incapable de donner, de se donner. Et il est ainsi incapable de se réjouir et de se réjouir avec son maître.

Mes amis, pour conclure, juste deux demandes, deux supplications : 1. N’ayons pas peur du Bon Dieu : c’est lui qui nous a donné la vie, c’est lui qui nous a donné son Fils, c’est lui qui nous sauve ! Pourquoi aurions-nous peur de lui ? Dans tout l’Évangile résonne cette parole : « N’ayez pas peur ! » 2. Disons-le autour de nous : Dieu n’est pas un juge terrible, c’est un bon maître qui nous donne les moyens de nous réjouir, et qui s’associe à notre joie avec cette promesse d’infiniment plus !
Cette parabole est d’abord débordante de joie ! Sachons la recevoir et la donner, pour entrer dans la joie de notre Maître !