Commentaires

1. Le mardi 28 juin 2011, 13:36 par Tigreek

Hum... Comment dire... Ce n'est pas la seule boîte, ni le seul domaine d'activité, où ce genre de choses arrive. Et laisse moi te dire que "derrière", là où le client ne le voit pas, nous savons très bien que nous préparons des procédures, des fonctionnements, des produits pas du tout adaptés aux clients. Et quand on le signale, en disant que ce n'est pas normal, on nous demande de le faire quand même... Du coup, être chrétien dans ce contexte, des fois, c'est un peu duraille... Comme David le disait dans un de ses derniers posts.

2. Le mardi 28 juin 2011, 14:03 par Vianney

Je sais bien, Tigreek. Mais je n'ai juste pas envie de faire partie des moutons qui se laissent tondre en silence, même si, face à leur situation de quasi-monopole, on ne peut pas faire grand-chose.

Je ne parle pas de modèle économique, je n'y connais rien. Je ne parle pas non plus de technique, je n'y connais pas grand-chose. Je parle de morale (ouh le gros mot ! j'assume), de respect des personnes, et je crois que, ce faisant, je n'outrepasse pas mon rôle.

Je suis parfaitement conscient des difficultés que cela pose, mais si on ne remet pas l'économie au service de l'homme, nous serons toujours esclaves, clients, fournisseurs, employés, actionnaires, directeurs... esclaves de l'argent et de la rentabilité. On fait ce qu'on peut, là où l'on peut : il ne s'agit pas de faire une révolution rapide, toujours sanglante, mais de provoquer une évolution à long terme.

3. Le mardi 28 juin 2011, 16:00 par Tigreek

Je ne dis pas qu'il faille faire partie des moutons. Je soutiens ton geste, et cet article pour dire ton ras-le-bol d'un comportement je-m'en-foutiste qui me fait hurler aussi.

J'essaie juste de dire que ce genre de pratique, non seulement ne respecte rien, mais en plus induit un profond malaise, chez les clients, chez les fournisseurs, mais aussi chez les employés. On a conscience de mal faire, et en plus quand on essaie de mettre un peu de sens moral (oh, le gros mot !!), la réponse est de faire ce qu'on nous demande, et de ne pas nous préoccuper du reste. Et plus la boîte est grosse, plus les chaînes de décision / d'action sont longues, et plus le malaise est grand.

4. Le mardi 28 juin 2011, 23:58 par CR

Oui le manque d'humanité des entreprises est parfois surprenant. Cela me rappelle cette lettre d'une dame à sa banque si pleine d'humour.

5. Le mercredi 29 juin 2011, 07:31 par anne-marie

je confirme que entre l'argent et l'humain, il faut choisir : j'en vois des exemples chaque mois, et parfois c'est vraiment triste : hier, un boucher de moyenne surface m'expliquait que son chef fait plein de réunions pour demander aux employés ce qu'il faut améliorer (démarche qualité ou analyse de la valeur) et ensuite rien des idées proposées ne sont retenues et ce sans aucune explication : du coup les employés se sentent déconsidérés -pire que si on ne leur avait pas demandé leur avis - et l'employé me disait que cela empirait beaucoup partout, au point qu'on ne trouve plus de candidat responsable de rayon boucherie, parce qu'ils en ont marre de passer pour des guignols...! voilà juste pour dire que ce pb dans le monde du travail est réel : où est le respect de la personne humaine et de la construction de son identité, dont l'identité professionnelle fait partie à mon sens ?

6. Le mercredi 29 juin 2011, 11:22 par M-Th

ta réaction perso est juste, et nous sommes nombreux à la partager.

Un jour viendra où, prêtre, tu auras à accompagner des personnes prises
dans ces filets du monde du travail, du plus petit au cadre,
le synode de Versailles a largement fait écho à cette réalité du monde du travail.
Avec les Jeunes Professionnels, les chômeurs, les chrétiens du MCC, etc
il te sera nécessaire d'avoir des notions précises d'économie, pour analyser,
pour aider toutes ces personnes à se situer dans ce foutoir en fonction de
l'Evangile. La tâche est grande, mais aimer le monde, c'est aussi cela.

7. Le mercredi 29 juin 2011, 12:49 par PMalo

Don Quichotte et les moulins à vent...

Nous sommes face à -nous sommes les rouages, plutôt, d' - une grande mécanique UNIQUEMENT dédiée au profit -on l'apprend à l'école.

Reprends un par un chacun des protagonistes de ton histoire, imagine-les bons et moraux tant que tu veux, qu'est-ce que ça change ? Un "bonjour" par ci, un "merci" par là, et... ?

Cette histoire de "moraliser le système" est une entourloupe : une mécanique tourne tant qu'elle a du carburant et des pièces de rechange, pas à la morale.

Pire encore : la morale des personnes -lubrifiant dans les rouages- fait que la mécanique néfaste tourne de mieux en mieux, de plus en plus vite (on l'apprend aussi à l'école !). Serait-ce moral, en définitive ???

Cette mécanique a été créée sur du faux, pour du faux. On n'améliore surtout pas une mécanique pareille ; on la change.

On n'a pas fini de creuser le concept de structure de péché...

(Tout cela demanderait d'infiniment plus amples développements, je sais. Pas le courage, pas la place, pas le temps, pas les capacités.)

8. Le mercredi 29 juin 2011, 13:20 par Tigreek

@PMalo : ou pas... La mécanique peut mieux marcher, le profit être quand même au rendez-vous, si chacun met la morale dans ses actes, pour de vrai. Des miracles comme ça, il en existe, c'est toutes les boîtes qui font de l'insertion, et qui tournent ! Elles se refusent à faire des concessions qui avilieraient à la fois employés et clients, prennent en compte l'humain à tous les niveaux. Et ça marche.

9. Le mercredi 29 juin 2011, 16:12 par PMalo

"si chacun met la morale dans ses actes, pour de vrai."

Et le "pour de vrai", parfois, ça peut aller très loin. Genre dire "non, je ne joue plus, maintenant c'est sans moi".

Exemple personnel : j'ai travaillé pour des boîtes comme Cargill, dans les bio-carburants. Je faisais mon boulot consciencieusement, avec morale et tout et tout. Jusqu'au jour où je me rends compte ce que sont les bio-carburants, et ce qu'ils entraînent.
Ben ce jour-là, le "pour de vrai", c'était soit de faire mon boulot comme un goret pour couler mon client (ou du moins ne pas l'aider à continuer ses cochonneries, ne soyons pas prétentieux), soit de quitter ma boîte. De toute façon, l'option 1 entraine logiquement l'option 2, les rouages sont interchangeables...

Refuser de voir que l'on fait partie d'un système qui détourne tout à son profit est un manque de lucidité ; on ne peut se cacher derrière une morale personnelle, qui dans la majorité des cas ne fait que graisser les rouages du monstre.

J'ai fait une école de com catho ; tous les élèves de cette école trouvent du travail à la sortie, car le label "catho" est un gage de qualité : personnes consciencieuses, responsables, éthiques, etc.
Désolé, mais je n'arrive pas à m'en réjouir.

Face au malaise grandissant (dépressions, suicides, etc), on ne trouve qu'à faire de la réinsertion à coups de cellules psychologiques et autres "développement personnel" ou "coaching"... pour remettre les gens dans le "droit chemin" de la "compétitivité" sur le "marché du travail".

Je sais, je généralise. Je sais qu'il est possible de faire son boulot proprement et pour une cause juste. Mais ma certitude est la suivante : cela n'est possible que dans des structures à taille humaine, cela devient de plus en plus difficile et entre toujours et de plus en plus en contradiction avec le modèle dominant.

Il serait temps que les chrétiens se réveillent, et se rendent compte que le système dans lequel nous vivons est vérolé à la base, fondé sur des présupposés anthropologiques faux. Mais merdalors, il y a en ce moment un renouveau de début de mouvement de fond de semblant de contestation, et à la fin il ne resterait que les cathos pour soutenir l'insoutenable ??
Alors que nous chrétiens avons TOUT, 2000 ans de Tradition, de réflexion, de Magistère, et le Saint Esprit avec nous, nous serions le dernier carré à nous cantonner frileusement dans notre petite morale personnelle et privée ? Elle est où l'Espérance, il est où le sel de la terre et le levain dans la pâte, là ?

Si les postulats sont faux, la conclusion est fausse même si le raisonnement est logique et bon au vu des postulats de départ.
Dans la cas qui nous préoccupe, ce n'est pas le raisonnement qui est à changer (mettre un peu plus de morale, par exemple), mais les postulats : non, l'homme ne trouve pas le bonheur dans l'avoir ; non, l'homme ne peut faire son bonheur en ne cherchant que la satisfaction de ses plaisirs égoïstes ; non, la somme des égoïsmes ne fait pas l'intérêt général ; non, la nature ne fonctionne pas qu'à la compétition (la science nous dit aujourd'hui que les symbioses sont AU MOINS aussi importantes dans les processus vivants) ; non, non, non : la liste est très longue.
Tous ces NON au nom d'un grand, d'un immense OUI, bien sûr !

C'est tout l'univers mental dans lequel nous sommes nés qui est à revoir de fond en comble.
Les plus grands contestataires de ce système naissant, de la fin du XIXe aux années 60-70, étaient chrétiens. Lisez Ellul, Illitch, Schumacher ; Péguy, Bernanos, Chesterton, Raoul Follereau, Lanza del Vasto, Charlier, ils sont une multitude.
Depuis les années 80 jusqu'à aujourd'hui, plus grand chose : en France, le catholique s'est coulé dans le moule, et est même parfois devenu un fervent défenseur de ce système. Le seul sujet sur lequel on l'entend un peu, c'est les "nouvelles moeurs", sinon si peu.

Pourquoi ?
La suite peut-être au prochain numéro : on s'écarte peut-être un peu trop de Orange, là...

10. Le mercredi 29 juin 2011, 17:02 par CR

@PMalo merci pour la richesse de ton intervention.
Concernant Charlier ou Chesterton, il me ne semble pas qu'ils aient eu la volonté de révolutionner la société ou de la faire évoluer.
Charlier a toujours cherché à former à transmettre notamment ses capitaines les valeurs en formant, éveillant leur conscience à changer eux memes en posant des actes simples sains et saints dans le monde dans lequel ils vivaient.
Plus que lutter contre un système se former pour agir sain(t)ement dans l'éternelle lutte du bien et du mal.
Chesterton fit de même en éveillant les consciences et témoignant de ses idées sans faiblesse mais sans excès.
Bref faire grandir le bien, éduquer au bien, à dire le Bien.

11. Le mercredi 29 juin 2011, 17:32 par PMalo

"il me ne semble pas qu'ils aient eu la volonté de révolutionner la société"

Un titre de Chesterton, au pif : "plaidoyer pour une propriété anticapitaliste". Si c'est pas révolutionnaire, ça !

Quant à Charlier, je n'ai pas le bouquin sous les yeux, mais je me souviens de lettres sans équivoque sur le confort, l'argent, la facilité, la mollesse, l'égoïsme, le conformisme social, etc.
Sans être un penseur politique, il y avait dans ses propos une critique acerbe et sans détour de la société des années 50 ; qu'en dirait-il aujourd'hui ???

12. Le jeudi 30 juin 2011, 01:41 par CR

Révolution ou Conversion ?

Pour Chesterton le titre original est "The outline of sanity" que je traduirai par "Une société en apparente bonne santé ?" ce qui est loin d'être aussi révolutionnaire que le titre bien accrocheur choisi par le traducteur.

Charlier lui est un pédagogue qui doit transmettre des valeurs une culture une foi à des jeunes lycéens qui pensent à tout autre chose.
Et pour cela il choisit dans ses "lettres aux capitaines" de marquer les esprits par des phrases fortes et des pensées claires tranchées pour que ses idées soient profondément assimilées pour la vie entière de ces jeunes à la recherche d'un idéal de vie.
Son langage est bien moins fort et exigeant quand il écrit des lettres aux parents.

Charlier dirait, probablement aujourd'hui la même chose avec la même force et le même amour de père éducateur pour ses élèves.

Je pense qu'il s'agit toujours d'une révolution oui mais intérieure.

Mais je m'éloigne d'Orange moi aussi.

Abba des lumières ?

13. Le jeudi 30 juin 2011, 09:16 par Vianney

Je ne pensais pas avoir des commentaires de si belle teneur suite à un article en soi sans grand intérêt ! Merci !

J'aurais plein de choses à écrire, et pas mal à redire, mais figurez-vous que ma première semaine comme prêtre est un brin chargée. Étonnant, non ? Aussi j'attends d'avoir un peu de temps devant moi pour pondre le tome (côt côt cod...aïe !) que mérite vos échanges.

14. Le jeudi 30 juin 2011, 10:12 par M-Th

"" un article en soi sans grand intérêt " :
si, il est d'un grand intérêt en nous faisant reprendre conscience une fois de plus
du "système économique " dans lequel nous vivons,
dans lequel être "une personne humaine" est souvent un combat, un défi,
dans lequel heureusement nombre de chrétiens sont engagés
dans lequel il n'est pas toujours facile de vivre selon l' Evangile concrètement.

15. Le jeudi 30 juin 2011, 12:06 par CR

"un article en soi sans intérêt" quelle modestie

Il n'y a pas péril immédiat pour la réponse mais ce sera un joie de lire un avis bien formé d'ici là bon surf sur la grâce de l'ordination.

16. Le jeudi 7 juillet 2011, 12:12 par P. Vianney

Je trouve un peu de temps et j'en profite pour écrire deux mots ici, en réponse aux commentaires de PMalo (et des autres aussi, au moins en second temps).

Je sais que tes réactions sont des réactions (oui oui, je lapalisse à merveille, on me le dit souvent), et des réactions qui ne représentent certainement pas toute ta pensée, mais, en l'état, elles ne me semblent pas justes. Pour deux raisons.

1. Tu parles beaucoup de "système" et de "révolution". Bon, pourquoi pas. Tu parles du système actuel comme d'un système qui subordonne tout, y compris les hommes, au profit. C'est certainement vrai, et il est inadmissible de soumettre les hommes à quoi que ce soit d'autre qu'à eux-mêmes et à ce qu'ils sont réellement... ce qui amène, mais ce n'est pas la question ici, au moins directement, à la reconnaissance des lois de leur nature et à la reconnaissance de celui qui les leur a données. Bon, mais ne nous écartons pas trop du sujet.
Je trouve étonnant que quelqu'un qui pense qu'un système, quel qu'il soit, n'a pas le droit de prendre le pas sur l'homme (ce en quoi il a raison), je trouve étonnant que cette personne, justement, semble penser qu'il faille détruire ce même système pour que la solution soit trouvée. Or, la question fondamentale, c'est l'homme, ce n'est pas le système. Ce système capitaliste libéral dans lequel nous vivons est défaillant, c'est clair. D'ailleurs, nous sommes en train d'en expérimenter les limites, et, pour le moment, il semble bien qu'on se contente de mettre du sparadrap sur des abysses face auxquelles les fosses des Mariannes fassent pâle figure. Nous sommes d'accord.
Mais je ne suis pas d'accord quand il semble que tu prônes un changement radical de système : le problème de fond, et tu le dis toi-même, ce n'est pas le système (même si c'est un vrai problème), c'est le cœur de l'homme. Et je te cite :

non, l'homme ne trouve pas le bonheur dans l'avoir ; non, l'homme ne peut faire son bonheur en ne cherchant que la satisfaction de ses plaisirs égoïstes ; non, la somme des égoïsmes ne fait pas l'intérêt général ; non, la nature ne fonctionne pas qu'à la compétition (la science nous dit aujourd'hui que les symbioses sont AU MOINS aussi importantes dans les processus vivants) ; non, non, non : la liste est très longue.
Tous ces NON au nom d'un grand, d'un immense OUI, bien sûr !

C'est bien le cœur de l'homme qu'il faut convertir, aussi bien qu'il faut corriger le système, voire en changer. Possible. Changer le système, ce n'est pas mon rayon.
Ce qui est clair, c'est qu'une révolution n'est JAMAIS une bonne solution. Aucune révolution, dans l'histoire de l'humanité, ne s'est faite pour un vrai mieux, et surtout ne s'est faite sans un immense sacrifice injuste en vies humaines. On n'a pas le droit de tuer au nom d'un système, que ce soit contre ou pour ce système ! Crier à la révolution, c'est pousser au crime. On n'a pas le droit.

2. Les grands saints qui ont vécu une conversion radicale ont tous commencé par leur propre vie et leur propre cœur. S'ils ont marqué, non seulement leur temps, mais aussi l'histoire, ce n'est pas à coups de révolutions ou de changements de systèmes. C'est parce qu'ils sont devenus des saints, et cela, que je sache, c'est la conversion du cœur à la miséricorde de Dieu et à la puissance de son amour qui l'obtient. Nulle question de système, et, que je sache, même saint Louis, homme politique de son temps, n'a pas fait de révolution dans un système politique qui n'était certes pas parfait. Pourtant il en avait les moyens, non ? Ou pas...
Tu as fait des choix radicaux qui sont peut-être admirables. Qui posent en tous cas forcément question à ceux qui t'entourent, te lisent, t'aiment. Et sans aucun doute de bonnes questions.
Tu ne peux pas pour autant, me semble-t-il, demander à Tigreek comme à tant d'autres chrétiens de faire exactement le même choix que toi, même si tu penses que c'est le meilleur. Beaucoup sont pères et mères de famille, et doivent nourrir, vêtir, éduquer leurs enfants... et les choix, en conscience, deviennent infiniment plus difficiles quand on n'est pas responsable que de soi-même.
Si, ils sont levain dans la pâte ! Si, ils sont lumière du monde ! Si, ils sont sel de la terre !... s'ils se plongent justement dans cette énorme masse informe et mêlée à plein de choses insupportables, à l'ivraie, au péché et aux puissances du mal. Sortir de tout cela, ce n'est plus, justement, être levain, être sel.
J'avoue avoir été personnellement étonné (pour ne pas dire choqué) par cette phrase de ta part : "Elle est où l'Espérance, il est où le sel de la terre et le levain dans la pâte, là ?" Eh bien, justement, ils sont là. Et si tu ne les vois pas, ce n'est peut-être pas parce qu'ils ne sont pas là, mais peut-être justement parce qu'ils accomplissent humblement leur rôle si difficile. J'en suis personnellement tous les jours témoin dans mon ministère.

Oui, il faut se battre ! Non, il ne faut pas séparer morale politique, économique... de la morale personnelle ! C'est la plus grosse erreur des temps modernes ! Et il ne faut pas mettre le système en premier, ni dans notre pensée, ni dans nos efforts pour changer le monde... simplement parce que, dans la réalité, ce sont les hommes qui le précèdent.
On ne moralise jamais un système, on fait découvrir aux personnes qui nous entourent, là où l'on est, qu'il y a un sens à leur vie. Qu'il y a quelqu'un qui les aime infiniment, et qui a les moyens de les sortir, doucement, patiemment, de la merde dans laquelle ils étouffent. Pas sans eux, mais infiniment plus puissamment que leurs pauvres efforts.

17. Le jeudi 7 juillet 2011, 19:31 par P. Vianney

Tenez, je suis tombé là-dessus en ouvrant mon Famille Chrétienne de cette semaine, et je me suis dit que ce n'était pas sans rapport avec la discussion en cours ici !

18. Le jeudi 14 juillet 2011, 19:37 par Jean Ferrand

Attention, Mr Vianney, de ne pas enguirlander les employés d'Orange. Ce sont des êtres humains, eux aussi. Aussi perturbés que vous. Ne les poussez pas au suicide, par pitié.

19. Le vendredi 15 juillet 2011, 11:43 par P. Vianney

Cher Monsieur Ferrand, rassurez-vous, je ne pense pas que les gens que j'ai pu avoir au téléphone ont pris ce que je leur ai dit pour eux personnellement. Je le leur ai dit.
Il n'en reste pas moins que cela soulève un problème : aucune de ces personnes n'est responsable. Et je ne vois pas alors pourquoi ce sont ces personnes que j'ai au bout du fil quand j'ai un problème. Moi, ce que je veux, comme tout client qui a un problème, c'est quelqu'un qui puisse me dire : "Cher Monsieur, je suis avec vous, je gère : on va trouver une solution".
Je n'ai JAMAIS trouvé ça chez Orange. Ce que j'entends, c'est : "Mais Monsieur, je n'y peux rien !" Je sais, et c'est bien le problème. "Mais Monsieur, c'est la procédure !" Je sais, et c'est bien le problème. "Monsieur, nous pouvons vous livrer entre 9h00 et 14h00" Oui, sauf que moi, figurez-vous, je travaille. Pas vous ?

Double problème donc : ne pas enguirlander quelqu'un qui n'y peut rien, mais, surtout, ne jamais pouvoir joindre quelqu'un qui y puisse quelque chose. Et ça, c'est insupportable.

20. Le samedi 16 juillet 2011, 22:17 par PMalo

Je n'avais pas vu ta longue réponse...

Je crois qu'au fond nous sommes plutôt d'accord, et que nos apparentes divergences proviennent de formulations assez floues de ma part, et aussi du fait que nous avons des "domaines de compétences" différents.

Une chose que je ne peux laisser passer, tout de même : jamais je n'ai appelé à la révolution violente et destructrice.

Je me permettrai malgré tout quelques plus amples précisions, si tu m'y autorises et si je trouve le temps l'envie et l'inspiration de le faire. Là, maintenant, repos.

21. Le dimanche 17 juillet 2011, 16:04 par P. Vianney

PMalo : je te lirai avec joie

22. Le dimanche 17 juillet 2011, 22:11 par Tigreek

@PMalo : Vianney t'a répondu, un peu comme j'aurais pu le faire. Je n'ajouterai pas grand-chose, si ce n'est mon vécu personnel.

Il y a huit ans (déjà !!), je sortais de mon école d'ingénieurs avec plein d'idéaux, de valeurs chrétiennes et de tout ce qu'on m'avait fourré dans la tête pendant ma formation, sur le modèle vertueux du travail de cadre en entreprise... J'ai eu la chance de trouver assez vite un boulot. En même temps, il fallait bien, j'avais un emprunt étudiant à rembourser, et mes parents (paysans, je crois que tu sais ce que c'est) n'avaient guère les moyens, à moins de se priver pour moi encore quelques années de plus, ce que je refusais.

Me voilà dans une grande entreprise du milieu de la bancassurance, à vite déchanter lorsque je me rends compte que la vraie vie n'est pas tout à fait celle présentée en école. Le top étant quand je m'inquiète du bien être de mes coéquipiers, en particulier une collègue que je voyais à la limite de la dépression, que je m'en ouvre à notre chef d'équipe, et qu'elle me répond alors "Mais pourquoi tu t'inquiètes pour elle ? Cela ne te concerne pas !". Et plusieurs fois le cas s'est présenté, lorsque certaines situations étaient intolérables à mes yeux, et que je le signalais à mes supérieurs : on me priait gentiment de regarder ailleurs, et chaque fois je disais que ce n'était pas possible. Je ne sais pas si cela a changé quelque chose pour mes collègues...

A de nombreuses reprises, je me suis demandé, j'ai demandé autour de moi, à certains collègues que je savais être chrétiens (porter une croix de Taizé ou huguenote, parfois, ça facilite la reconnaissance ), comment c'était possible de concilier les intérêts de l'entreprise et nos valeurs religieuses, qu'on ne pouvait pas laisser au placard en passant la porte du bureau... Est-ce qu'il fallait que je continue à fonctionner dans ce système, qui pressurise employés, fournisseurs, clients, pour le profit pur et simple ? Je crois que le cliché de "tout plaquer et aller élever des chèvres dans le Larzac" a tenté chaque JCD qui bosse à la Défense, un jour ou l'autre... Et que certains y ont réfléchi un peu plus qu'à un simple rêve. Sauf que. Mariage d'abord, enfants ensuite : il y a des engagements qui sont prioritaires. Et ces engagements, je les ai pris devant Dieu, aussi. Et est-ce que ce ne serait pas une démission de laisser mes collègues, mes équipiers, la plupart non-croyants, englués dans ce système et n'ayant même pas l'appui de leur foi pour les soutenir au quotidien ?

Alors, voilà, ça fait huit ans, et je suis toujours dans la même société. J'aurai pu évoluer, j'ai choisi de ne pas le faire. Et aujourd'hui, je vis encore des situations difficiles. Je partage avec mes collègues indiens des valeurs fondamentales, et pour certains une amitié se crée ; et dans le même temps on me demande de les traiter comme des robots, comme des numéros, des "ressources" sans âme. Je ne peux pas.

Finalement, il se peut que je quitte ce système un jour. Mais pas en claquant la porte aussi facilement. Je ne peux pas tout plaquer, car il n'y a pas que moi en jeu. Alors, ce fut le choix des études à distance, qui me prennent un bon bout de mon temps libre. Jongler entre travail, famille, vie paroissiale, études... Et un jour, peut-être, je changerai de mission pour assister mes frères... d'une autre manière. Mais un système ne se change pas comme ça.

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