Je le dis tout de go : nul n'est obligé d'aimer la chanson que je vous propose ci-dessous. Si, d'aventure, cette musique vous insupporte au plus haut point, c'est votre droit ; vous pourrez toujours en retrouver les paroles n'importe où sur Internet.
De toute manière, je n'ai pas l'intention d'écrire au sujet de l'art (ou pas), c'est juste une introduction. Simplement, vous allez voir, ce n'est pas pour le plaisir d'avoir un lecteur Youtube intégré à mon billet que j'ai choisi de vous proposer ce clip. Parce qu'il m'arrive de ne pas chanter pour ne rien dire, tout autant que cette jeune chanteuse.

Car figurez-vous que oui, je crois que cette petite jeune fille de 15 ans a quelque chose à dire, au-delà des paroles pas ultra profondes et de sa jolie petite voix d'encore très jeune artiste formatée par une grosse boîte à musique.
Analysons rapidement : une jeune fille, mignonne comme tout, bien fringuée, se baladant dans le 15e arrondissement de Paris, ce qui laisse supposer qu'elle n'est pas trop misérable. Tout pour plaire, tout pour être heureuse, non ? Sauf que non. Ses paroles et son visage témoignent que non. Et pourquoi ? Parce qu'elle ne croit plus en l'amour (je résume, hein, mais je ne crois pas être loin de ce qu'elle exprime : "Est ce que toi aussi / Tu croyais que l'amour / Ça durait toute la vie / Que c'était pour toujours", ce n'est pas moi qui l'invente. Et ce n'est qu'un extrait, relisez donc, ne serait-ce que le refrain !).
Forcément, tu l'as vue, comme moi (enfin, tu l'aurais vue, si le clip que j'avais proposé à l'époque où j'ai écrit cet article n'avait pas disparu mystérieusement d'Internet... je l'ai remplacé, mais la phrase qui suit n'a plus grand sens avec le clip actuel), en 3:42, passer dans les bras (et dans le lit ; même en rêve, c'est significatif, non ?) de trois types qu'on voit quelque instants après avec une autre fille. L'amour, elle peut ne plus y croire, puisqu'elle a été déçue trois fois (et que, d'ailleurs, elle a peut-être elle-même déçu trois fois)...

Je reviens d'une chouette retraite avec des jeunes de son âge. Combien en ai-je récupérés en larmes à cause d'une histoire analogue ? Et comment devais-je réagir devant ces deux jeunes enlacés, s'embrassant à pleine bouche comme s'ils étaient sur une île déserte, alors que nous étions cinquante à moins de 7 mètres à la ronde, dans cette station-service sur le chemin du retour ? J'avoue, je n'ai rien dit, rien fait. J'avais juste passé une demie-heure, le matin même, à leur parler de leur vocation à se donner totalement à une personne, soit dans le mariage, soit dans le célibat consacré, et je sais que ça en a scotchés un certain nombre. Ils s'étaient connus à la retraite. 4 jours.

Et ce texto d'une jeune fille à peine plus âgée qu'eux, reçu hier soir : "Pas facile ces temps-ci, je ne suis plus avec Jean-Kévin depuis deux semaines". J'en fais quoi ? Que lui répondre ?

Et ces trois petites de même pas 10 ans, dans ma voiture, l'autre jour, discutant comme si je n'étais pas là : "Et toi, tu es amoureuse de qui ? - Bon, ça va, me dis-je in petto, quelle petite fille n'a pas posé la question ? Bon, c'est vrai, 9 ans, quand même... - Et figure-toi que Lucie-Cunégonde pleurait l'autre jour, parce que John-Alfred l'avait plaquée ! - Euh ? 9 ans, quand même !", me dis-je, toujours intérieurement. Et puis je me risque à poser la question : "Les filles, vous ne trouvez pas que vous êtes un peu jeunes pour ces petits jeux-là ? - Ben on a bien le droit d'être amoureux, non ? - Heu... si vous voulez, mais enfin, vous êtes juste 10 ans trop jeunes pour ce dont vous parlez ! - Eh oh, t'es pas mon père, hein ! - ????!!!!! Non, et alors ? ça ne m'empêche pas de penser que vous êtes bien jeunes. - Eh ben, d'toute manière, ma mère, elle m'a jamais rien dit ! Alors t'as rien à me dire ! - Mouais. J'crois bien qu'si, répondis-je à voix basse... complètement désarçonné. MAIS... PURÉE, 9 ANS, QUAND MÊME ! Je suis le seul à trouver ça étonnant ? Anormal, même ?

 

Comment leur dire ?... Que leur dire, d'ailleurs ?
Ai-je seulement le droit d'avoir moi aussi le cœur brisé de voir les leurs, à 15 ans, en mille morceaux ? Ai-je seulement le droit de souffrir avec ceux qui, à 25 ans, ne trouvent pas "l'âme sœur" après s'être donnés à l'essai vingt fois ? Ai-je seulement le droit de pleurer avec les quarantenaires abandonnés par leur époux ou leur épouse sur le bord du chemin, et avec leurs enfants ? Ai-je seulement le droit d'écouter ? Ai-je seulement le droit de les regarder se bousiller le cœur, l'âme et le corps, pour les accompagner ensuite sur un long chemin de guérison ? Et encore, combien voudront l'emprunter, ce chemin ? Et combien le quitteront en route, parce que c'est trop long, trop dur ?

Comment leur dire ? Comprenez-vous ce qui me tenaille ? Pourquoi ai-je l'impression d'être le seul à voir tout cela ?

 

Alors, peut-être que cette musique vaut ce qu'elle vaut, c'est-à-dire pas grand-chose. Peut-être que ces paroles sont tristement pas poétiques. Peut-être que cette petite jeune fille est superficielle, ou pas. En fait, elle ne l'est pas ; ça n'existe pas, une jeune fille de 15 ans superficielle (et si vous croyez que ça existe, posez-vous des questions sur votre jugement, sans doute bien superficiel, lui). Peut-être que ce sont juste des amourettes de 15 ans, sauf qu'elles sont super importantes pour eux, leurs amours de 15 ans !
Mais moi, je l'entends, cette musique, je les accueille, ces paroles, et je me demande simplement, avec une certaine angoisse : comment leur dire ?