Lectures du jour :

Première lecture : Ex 17,3-7 ;
Psaume 94,1-2.6-7ab.7d-8a.9 ;
Deuxième lecture : Rm 5,1-2.5-8 ;
Évangile : Jn 4,5-42.

Homélie :

« Va, appelle ton mari, et reviens ».
À ma connaissance, dans tout l’Évangile, c’est la seule fois où Jésus demande à une femme de lui amener son mari. Et, malchance ! c’est justement à cette femme qu’il le demande. Pourquoi ?
Eh bien, il semble que ce soit sa manière de répondre à la demande de cette femme : « Seigneur, donne-la moi, cette eau : que je n’aie plus soif ! »
Reprenons, voulez-vous, ce si beau dialogue entre Jésus et la Samaritaine…

Tout commence par une promesse de Jésus : « celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle ».
Face à cette promesse, la Samaritaine, qui a un certain sens pratique, prend Jésus au mot ! « Donne-la moi, cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser ».
Oh, nous aussi, nous fonctionnons comme cela avec le Bon Dieu, tout comme le peuple d’Israël au désert, avec Moïse : quand les choses ne vont pas, nous nous tournons vers Dieu et nous lui demandons de régler le problème. Allons bon ! Voilà que je n’ai plus d’eau au robinet ! Premier réflexe : « Seigneur ! J’en ai marre ! Tout va de travers depuis ce matin ! Fais quelque chose ! » Je me retrouve au chômage, ce qui est un problème autrement vital : « Seigneur ! Il faut que je nourrisse ma famille ! Fais quelque chose ! »
Je crois que nous avons raison de faire cela : évidemment, le plus souvent, le Seigneur ne nous enverra pas, apparemment, un Moïse qui va nous rétablir l’eau courante ou nous redonner un emploi, simplement par un coup de bâton bien placé. Mais, ce qui est peut-être important, c’est que, dans ce manque soudain, nous nous tournons vers lui… et il n’attend que cela !
Mais il répond parfois d’une manière étonnante…

« Va, appelle ton mari, et reviens »… Avec la Samaritaine, Jésus n’y va pas par quatre chemins. Il veut aller bien plus profond.
Évidemment, elle a besoin d’eau ! Jésus lui montre qu’elle a besoin de bien plus, et, pour cela, il vient mettre le doigt précisément à l’endroit où ça fait le plus mal. Et je n’ai pas beaucoup de peine à imaginer le cœur de cette femme, qui, à ce moment-là, doit se briser. Jusque là, elle tenait tête à Jésus. Maintenant, elle répond simplement : « Je n’ai pas de mari ». Peut-être espère-t-elle que cela va suffire ?
Jésus reprend : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari, car tu en as eu cinq : là, tu dis vrai ».
Et toi ? N’y a-t-il pas, à certains moments, dans ton cœur, une petite voix qui te dit : « ce que tu as fait là, ce n’est pas bien… combien de temps vas-tu rester dans cette situation ? » et ton cœur se brise… Oh, Seigneur ! Ne pourrais-je pas oublier ? Non. Au contraire, le Seigneur qui parle au fond de ton cœur, par ta conscience, met le doigt où ça fait mal. Il ne veut pas te laisser dans cette situation intenable. Ton cœur, qui s’est endurci pour ne pas mourir de ton mal, il le brise.
Et le plus étonnant, c’est que tu n’en meurs pas si tu te tournes vers Dieu.

C’est ce que fait la Samaritaine : tout à coup, il n’est plus question d’eau : « Où faut-il adorer Dieu ? À Jérusalem ou ici ? » Et puis, à la réponse de Jésus, elle proclame son espérance dans le Messie. Et Jésus : « Moi qui te parle, je le suis ».
Oh ! Comme nous aimerions entendre cette douce réponse : « Tu crèves de soif, tu crèves de ces blessures que tu t’es infligées toi-même en agissant mal ; c’est moi, me voici, je viens te guérir »
La Samaritaine lâche tout : elle court à la ville, laissant là sa cruche inutile, et que dit-elle ? « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie ? »
De son cœur brisé, au contact de l’amour brûlant et exigeant du Messie, se met à couler une source d’eau jaillissante en vie éternelle, pour elle et pour ceux qui l’entourent. C’est ce que dit saint Paul : « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » !

Recherche d’une eau matérielle pour étancher, pour quelques instants, une soif matérielle.
Contact avec l’amour de Dieu, découverte d’un mal bien plus profond, cœur brisé.
Jaillissement de vie éternelle, et jaillissement contagieux.
Et moi ? Aujourd’hui, dans ma vie ? Quelle part de ténèbres dans mon cœur le Seigneur veut-il me révéler pour m’en libérer ? Me laisserai-je briser le cœur ?
Approchons-nous de l’autel, où le cœur brisé du Christ, laissant couler le sang et l’eau, étanche notre soif et nous donne d’être, à notre tour, source d’eau jaillissante pour la vie éternelle.