Permettez-moi de citer, de cet entretien, le passage entier conclu par cette si belle phrase, et que je transcris ici pour vous éviter d'écouter l'entretien en entier, sans grand intérêt à mon avis, même si ce monsieur parle fort bien.

Monsieur le journaliste : Est-il vrai que vous préférez, [Monsieur l'Académicien], les femmes mariées ?
Monsieur l'Académicien : (rire) Non ! J'aime les femmes de... qui... qui ont 16 ans, qui ne sont pas mariées, 17 ans, elles sont... qu'elles soient ou non mariées !
Monsieur le journaliste : Woaw ! C'est... Pardonnez-moi, quel âge avez-vous ?
Monsieur l'Académicien : Moi ? Mais c'est très indiscret, ce que vous me demandez ! J'ai 67 ans.
Monsieur le journaliste : 16 ans... 16 ans, c'est pas un peu... euh...
Monsieur l'Académicien : Mais nooon... Faut pas... Tout ça c'est... Vous êtes très bourgeois, vous êtes... vous vivez vraiment dans des... (rire) critères qui sont... de convenance ! Je crois que c'est... l'important, c'est d'aimer. Qu'on aime, qu'on aime une jeune femme de 16 ans, qu'on aime une... une dame de... je suis contre toutes les ségrégations, et je trouve que l'amour pardonne tout.
Monsieur le journaliste : Est-il vrai que votre première fois...

et je m'arrête là, parce que je me fiche éperdument de la "première fois" de Monsieur l'Académicien. Vous pourrez toujours aller l'écouter si cela vous chante.

Je ne m'arrêterai que quelques instants sur l'incohérence extraordinaire d'un homme qui s'offusque - fût-ce par boutade - qu'on lui demande son âge, et qui juste après se moque si légèrement des convenances "bourgeoises".
Au Vietnam, on ne peut commencer un entretien avec quelqu'un qu'après lui avoir demandé son âge : on ne parle en effet pas de la même manière suivant qu'on parle à une personne du même âge, à un plus ancien ou à un plus jeune que soi. Un Vietnamien peu au fait des convenances françaises actuelles vous demandera donc tout naturellement votre âge d'entrée de jeu, que vous soyez un homme ou une femme. Une fois qu'il a compris que ça ne se fait pas en France, et que cela n'a aucune incidence (ou presque aucune) sur la manière de vous parler, il ne posera plus la question. Au Vietnam, il la reposera évidemment à chaque fois. C'est de la pure convenance sociale, et elle a d'ailleurs toute sa valeur puisqu'elle permet simplement de vivre en société.
En revanche, on peut se demander si, pour un homme de 67 ans, "aimer les femmes de 16 ans" n'est pas "un peu... euh...", comme questionne brillamment notre journaliste, audiblement un peu désarçonné. Convenance ? Bourgeoise qui plus est ?

Évidemment, on pourra toujours me répondre que, dans certains pays aujourd'hui, et dans le nôtre il y a quelques siècles, voir un homme de 40 ans se marier avec une fille de 16 ans ne posait pas grand problème. Certes.
Sauf que, tout de même, il s'agissait de se marier, et que, tout de même, on n'en est plus là.

Car, voyez-vous, Monsieur l'Académicien n'aime pas une femme de 16 ans, il aime les femmes de 16 ans ; ce qui implique un considérable glissement du sens du verbe aimer. Aimer une femme (quelque soit son âge) et aimer les femmes (quelque soit leur âge), ça n'a rien à voir.
J'aime à penser que la manière humaine, pleinement humaine, d'aimer une personne, c'est de tout lui donner, c'est de se donner soi-même totalement à elle. Autrement, il s'agit d'aimer les personnes au même titre que l'on aime le chocolat, c'est-à-dire passionnément, mais comme un pur objet de désir que l'on consomme et, une fois consommé, que l'on n'aime plus, puisqu'il est consommé. Et ça, ce n'est pas humain, ce n'est pas pleinement humain.
Monsieur l'Académicien aimerait-il une femme de 16 ans, à 67 ans, au point de lui donner sa vie et de n'aimer qu'elle pour le restant de ses jours - ce qui supposerait tout de même qu'il n'en eut pas aimée une autre avant, autrement il lui faudrait se voler lui-même à celle-ci pour se donner à celle-là - que je trouverais ça très beau, malgré une certaine réserve naturelle, que Molière exprimait déjà en faisant rire de son Avare ou de ses vieux prétendants à de jeunes pucelles amoureuses - qui s'en étonnerait ? - de jeunes de leur âge. Les convenances bourgeoises et nobles, c'est-à-dire celles de l'élite sociale de l'époque, ne s'en offusquaient pourtant nullement, c'était juste que cela commençait sérieusement à sembler contre-nature. À raison, sans doute.
Mais Monsieur l'Académicien, à 67 ans, montre encore une soif de jouir aussi grande que celle d'un jeune homme à peine pubère, et ce au dépens de jeunes filles elles-mêmes à peine pubères.

Oserais-je la question que Monsieur le journaliste n'a pas osé poser ?
Si, d'aventure, je m'éprenais d'une jeune fille de 16 ans, et que, d'aventure, elle s'amourachait de moi, et que, d'aventure, nous en ayons une, d'aventure... Ô rage ! Ô indignation publique ! Et seule la répugnance à l'idée que l'on pourrait tomber sur mon blog en cherchant un certain mot trop souvent associé dans l'esprit des gens à mes confrères prêtres m'empêche de l'écrire. Voilà que je serais traîné dans la boue publiquement, traité de tous les noms, que la populace en délire demanderait qu'on me châtre proprement et qu'on me mette à mort dans les plus atroces souffrances, sans autre forme de procès.
Monsieur l'Académicien n'aimerait-il pas un peu trop les trop jeunes filles ? Monsieur l'Académicien ne ferait-il pas finalement partie de cette pseudo intelligentsia terriblement vieillie des années 68, dont on sait qu'elle est sortie des rangs de la bourgeoisie tant honnie et dont il hait tant les convenances ?

"Je trouve que l'amour pardonne tout". Monsieur l'Académicien aurait donc quelque chose à se faire pardonner ? Et ce serait son propre amour à lui, pour ces jeunes filles, qui lui permettrait de se pardonner à lui-même ?
Terrible défiguration de l'amour agapè, de l'amour de charité, de l'amour d'oblation, de l'amour de dépossession de soi et de don total de soi à l'autre, jusqu'à la haine de ses passions désordonnées.

"Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font !"
Jésus, sur la croix où il s'est laissé clouer par amour pour nous, demande le pardon pour ceux qui l'ont crucifié à cause de l'amour qu'ils portaient à leur propre image de Dieu, humain, trop humain. C'est devant cet amour divin que ceux qui se pardonnent trop facilement à cause du trop grand amour qu'ils ont d'eux-mêmes devront répondre.