Lectures du jour :

Première lecture : Lv 19,1-2.17-18 ;
Psaume 102,1-4.8.10.12-13 ;
Deuxième lecture : 1 Co 3,16-33 ;
Évangile : Mt 5,38-48.

Une homélie dite deux fois, dans deux des paroisses qui m'ont accueilli durant mes années de séminaire. Ça fait quelque chose ! :)

Homélie :

« Tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu », écrit saint Paul aux Corinthiens.
Je crois que nous n’imaginons pas la portée inouïe de cette phrase, le don extraordinaire que le Seigneur nous fait en nous donnant la grâce d’être à lui, d’appartenir à Dieu, et d’agir comme lui.
Et ce sont les trois points que je voudrais aborder avec vous maintenant.

Premier point : « tout vous appartient, Paul et Apollos et Pierre, le monde et la vie et la mort, le présent et l’avenir : tout est à vous ! »
Dieu nous a tout donné : à la création, il a confié à Adam et Ève la terre et la mer, et tout ce qu’ils renferment ; après le péché des hommes et le déluge, il a soumis à Noé la terre et la mer et tout ce qu’ils renferment, comme nous l’avons entendu dans les lectures de cette semaine. Toute la création ici-bas, il nous la confie et il nous la donne.
Mieux encore, il nous donne les Apôtres et leurs collaborateurs. Il nous donne l’Église, et il donne à l’Église le pouvoir de donner sa vie, de donner son pardon, de donner Dieu lui-même à tout homme qui le cherche.
Car la folie de l’amour de Dieu va jusque là : non seulement il nous donne la création, non seulement il nous donne des hommes pour nous guider, mais il nous donne aussi son Esprit, il nous donne son Fils, il se donne lui-même à nous ! Si bien que saint Paul peut s’écrier : « vous êtes le Temple de Dieu, l’Esprit de Dieu habite en vous ! »
Mes frères et sœurs dans le Christ, finalement, Dieu est à nous, parce qu’il se donne à nous ! Quelle folie que l’amour de notre Seigneur pour nous ! Quel mystère et quelle joie !

Deuxième point : « tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu », continue saint Paul.
Que le Christ est à Dieu, nous le savons : il est le Verbe éternel fait homme, il est le Fils de Dieu qui a pris notre humanité.
Mais pourquoi sommes-nous au Christ ?
D’abord, nous le sommes parce que le Fils de Dieu s’est fait homme et a donné sa vie pour notre salut, pour nous arracher à la mort et au péché. Par le baptême, nous sommes passés dans la mort avec le Christ, et nous sommes vivants de sa vie à lui, qui est le Vivant. Et saint Paul prend, par deux fois dans ses lettres, l’image du corps pour nous montrer que, désormais, nous sommes membres du Corps du Christ : ma main ne vit pas par elle-même, elle vit parce qu’elle est rattachée à mon corps. Si je la coupe, elle meurt : elle ne peut pas vivre sans moi. De même, je ne peux pas vivre sans le Christ.
Mais nous sommes encore au Christ d’une deuxième manière, qui dépend directement de nous : nous sommes au Christ dans la mesure où nous nous donnons, nous, à lui ; dans la mesure où nous lui offrons notre vie ; dans la mesure où nous offrons notre vie avec lui à notre Père qui est aux cieux. Et c’est précisément ce que symbolise la procession des offrandes, au moment de l’offertoire : à ce moment-là, nous n’apportons pas seulement le pain et le vin du sacrifice de l’autel, non ! Ils ne sont que les symboles de nos vies, de nos réussites et de nos échecs, de nos bonnes actions et de nos péchés, que nous lui apportons avec reconnaissance et humilité pour qu’il en fasse le sacrement du Royaume des cieux. À l’offertoire, avec le pain et le vin, le prêtre offre nos vies au Père, au Nom du Christ.
Bref, nous sommes au Christ parce qu’il nous a sauvés, et nous sommes au Christ dans la mesure où nous nous donnons à lui, en réponse au sacrifice de sa vie pour notre salut.

"Bon, très bien, allez-vous me dire, mais, concrètement, comment fait-on pour se donner à Dieu ?"
C’est mon troisième point.
Aujourd’hui, dans l’évangile, Jésus nous donne un commandement terrible : « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent ». Bon, nous, des ennemis, nous n’en avons sans doute pas de bien mortels… mais pensons à nos frères d’Orient, qui, actuellement, souffrent et meurent à cause de leur attachement au Christ. Ça fait un peu réfléchir, tout de même…
« Aimez vos ennemis ». Impossible ? Oui, impossible. Impossible sans l’amour de Dieu. Car qui est le premier à avoir aimé ses ennemis et avoir prié pour eux ? Celui qui a aimé jusqu’au bout ceux qui ne l’aimaient pas, c’est Jésus. Celui qui est venu à la rencontre de tous, c’est Jésus. Celui qui nous aime alors même que nous ne l’aimons pas – car c’est cela le péché –, c’est Jésus. C’est ce Jésus qui nous donne son Esprit Saint, ce Jésus qui se donne lui-même à nous.

Alors, pour conclure, reprenons nos trois points à la lumière de l’eucharistie que nous allons célébrer maintenant : 1. Dieu nous donne tout, Dieu nous donne son Esprit Saint, Dieu nous donne son Fils, par la Parole de Dieu proclamée et écoutée et par le Corps et le Sang du Christ donnés et reçus. 2. Nous sommes à lui parce qu’il nous a sauvés, et nous sommes à lui dans la mesure où nous nous donnons à lui, à l’offertoire. Comment ? 3. En apprenant à agir comme lui, à aimer nos frères et à aimer nos ennemis, à donner ce que nous avons comme lui nous a donné tout ce qu’il avait, jusqu’à sa propre vie. Tout à l’heure, quand je vous inviterai à, « dans la charité du Christ, vous donner la paix », pensez-y !
Quand vous le ferez en vérité, vous serez vraiment au Christ, vous serez vraiment à Dieu, et « vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».
Mes frères et sœurs bien-aimés, que Dieu vous bénisse et vous accompagne sur ce chemin !