L'article sur le site de France Info, la radio en question. Mon propos ne se limite pas à l'écrit présenté, mais se réfère aussi à l'article radiophonique diffusé ce matin à 8h00.

Trois points ont attiré mon attention :
1. La personne présentant l'information se réjouit du "grand progrès" que cette naissance constitue, et on se rassure de l'excellente santé du petit Umut-Talha, ce dont je suis très heureux aussi.
2. Les médecins préfèrent parler de "bébé de l'espoir", voire de "bébé du double espoir", que de "bébé-médicament".
3. Et la journaliste de conclure sur un fabuleux "hasard du calendrier" : cette naissance a lieu précisément au moment où les fameuses lois de bioéthique sont mises en révision.

J'espère, personnellement, que cet enfant sera aimé pour ce qu'il est, c'est-à-dire un enfant unique, et pas seulement un "bébé du double espoir".
Doit-on rappeler qu'il a été conçu in vitro, par un acte extérieur à l'amour de ses parents, sous les yeux d'un laborantin ?
Que la raison de sa conception et de sa survie au double DPI est essentiellement la survie de son frère et le fait que lui-même ne soit pas malade ?
Qu'il est le survivant d'un certain nombre d'embryons qui ont été, soit éliminés durant le DPI, soit congelés à sa suite ?
Bref, que la raison de sa venue au monde n'est pas lui-même, mais son frère malade et la volonté de le guérir à tout prix ?

Avouons que tout cela invite à se poser quelques questions sur la conception et la naissance de cet enfant, dont on se réjouit tant pour deux raisons plus une :
1. le rétablissement de la santé de son frère,
2. le progrès de la technique médicale...
En revanche, la naissance d'un enfant qui est un cadeau, un don gratuit et merveilleux... eh bien, peut-être, sauf qu'il n'est pas tout cela du point de vue des médecins et de la société. Umut-Talha, toute sa vie, sera d'abord le premier "bébé-médicament"... pardon, le premier "bébé de l'espoir" né en France. Oh, le beau glissement de langage !
... et 3. l'avènement d'un précédent, par un "hasard du calendrier" qui ne peut en être un, puisqu'on sait depuis 2004 que ces lois de bioéthique seront débattues à nouveau et révisées en 2011-2012. Sachant qu'on sait qu'une grossesse dure en général 9 mois, et qu'on maîtrise la date de conception quand on "fabrique" un bébé, ce n'était pas trop compliqué à prévoir. Ce hasard est aussi hasardeux que mon lever difficile après un coucher trop tardif.

Alors, oui, cette naissance est un beau progrès... ou pas : on sait "fabriquer" des embryons in vitro depuis longtemps, on sait faire un DPI depuis longtemps, on sait trier et éliminer les embryons selon des critères génétiques depuis longtemps, on sait implanter un embryon dans le ventre d'une femme depuis longtemps, on sait extraire des cellules-souches d'un cordon ombilical depuis longtemps. Avec toutes les questions morales graves que posent chacune de ces étapes... sauf la dernière, qui est morale, et qui est certainement censée justifier tout le reste. Oh, le bel arbre qui cache la forêt !
Non, le seul "progrès", dans cette naissance, c'est une régression morale : désormais, on peut fabriquer un enfant pour en sauver un autre.

Umut-Talha, que Dieu te prête longue vie, ainsi qu'à ton frère, puisque maintenant tu es là et que lui pourra peut-être vivre en bonne santé !