Ce soir, la messe eut lieu, comme d'habitude le vendredi, en fin d'après-midi, à l'heure où le soir tombe. Je la servis, de tout mon cœur, devant le même nombre de fidèles que nous étions dans le chœur (petit jeu : combien étions-nous donc dans le chœur ?).

Une fois l'Ite Missa est proclamé de ma belle voix, résonnant, formidable, sous les voûtes de la crypte, le Père regagna ses pénates, et moi les miennes, pour découvrir que j'y étais seul : le vicaire de ma paroisse avait déguerpi et me laissait à moi-même.
Mes lèvres tremblèrent, tandis qu'une légère buée irisait légèrement mes longs cils qui, d'un battement, font plier la plus effroyable sacristine que vous puissiez imaginer : "Ciel donc, m'écriai-je intérieurement, mais qui va donc préparer mon dîner ???" Un affreux découragement s'abattit sur moi...
Un instant m'effleura l'idée de rappeler l'amie qui m'avait proposé de passer une partie de la soirée en sa compagnie, mais l'heure m'en dissuada : cela ferait jaser, un jeune curé (ou habillé comme tel) débarquant à 21h00 (mon Dieu, quelle heure tardive ! J'en tremble !) chez une jeune fille célibataire. Non, j'aime l'aventure, mais risquer la réputation d'une damoiselle et de ma Mère la Sainte Église alors que, précisément, il n'y a pas d'aventure, je ne puis !

Je me résignai donc à passer la soirée seul, désespérément seul, et sans dîner !
C'était sans compter l'intervention d'un doux ange (Anaïs, si tu me lis...), qui se ficha joyeusement de ma poire quand je lui dis la situation affreuse dans laquelle je me trouvais. Un sursaut d'orgueil - promis, je m'en confesserai ! - me secoua alors, et, fièrement, je me redressai, et me promis d'aller au Mac Do de me faire à dîner.
Plein d'un enthousiasme somme toute quelque peu mesuré, je me dirigeai donc vers la cuisine du presbytère, bien décidé à ne pas manger les restes de mon repas de midi, ce qui eût été une lâcheté. Non, décidément, il fallait que je me surpasse, ce soir !
Hésitant longuement entre faire des pâtes ou une omelette, je tergiversais lorsque soudain, mon regard acéré, tel celui de l'aigle sur sa proie, se fixa sur des pommes de terre à peine germées qui traînaient dans le placard. Nom d'un petit canard en sucre, j'avais trouvé !

J'improvisai donc gaiement, sur une recette inventée par moi-même après être passé consciencieusement sur Google pour taper "purée de pommes de terre" (je suis incapable de suivre une recette ; je vous ai dit que j'aimais l'aventure, non ?), et pelai mes patates, les découpai en cubes (si mon ancien prof' de maths voyaient mes cubes, je pourrais célébrer ses obsèques), les fit bouillir le temps de chanter mes vêpres à tue-tête dans la cuisine, avec un peu de retard il est vrai, et les passai au presse-purée avec du beurre. Un peu de lait mélangé plus tard, j'obtins une purée de la mort qui tue sa mémé grave, si vous me permettez cette expression qui n'est - croyez-le si vous voulez - que la pure expression de ma pensée au moment où je la mangeai avec une volupté goulue.

Ma première purée. Pardonnez-moi, j'essuie une larme. *TroooOOOooonnN* *Snirfl*

Je suis ému.