27ème dimanche TO - Année C
Par P. Vianney le dimanche 3 octobre 2010, 17:00 - Homélies - Lien permanent
« Quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : "nous sommes des serviteurs quelconques, nous n’avons fait que notre devoir" »
Lectures du jour :
Première lecture : Ha 1, 2-3; 2, 2-4 ;
Psaume 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9 ;
Deuxième lecture : 2Tm 1, 6-8.13-14 ;
Évangile : Lc 17, 5-10.
Homélie :
« Quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : "nous sommes des serviteurs quelconques, nous n’avons fait que notre devoir" ».
Mes frères et sœurs dans le Christ, voilà bien une vérité que le prophète Habacuc et Timothée ont expérimentée !
Habacuc contemple le désastre que subit son peuple, et il crie vers le Seigneur : « Combien de temps, Seigneur, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas ; crier contre la violence, et tu ne délivres pas ! » Il crie vers le Seigneur, il lui demande même des comptes : les ennemis sèment la violence autour de Jérusalem, et Dieu ne fait rien ? La première lecture ne nous offre qu’un verset de ces doléances, mais c’est tout un chapitre de cris qui montent vers le Seigneur !
Et pourtant, au début de cette longue plainte d’Habacuc, cette phrase : « Je guetterai ce que dira le Seigneur ». À aucun moment, le prophète ne met en doute la présence du Seigneur ; à aucun moment, il ne met en doute son action.
Habacuc met sa foi dans le Seigneur, et la réponse vient : « Cette vision se réalisera, elle ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, à son heure ».
Dieu promet, et Habacuc n’a que la promesse : il n’en verra pas la réalisation. Mais il croit à cette promesse de Dieu parce que c’est Dieu qui promet. C’est sa seule raison de croire ! Et le Seigneur ajoute : « le juste vivra par sa fidélité », que les Juifs d’Alexandrie traduiront : « le juste vivra par la foi ».
Il nous faut donc bien comprendre ce que le Seigneur nous dit : c’est la foi qui nous donne la vie ! C’est par la foi que le Seigneur nous donne la force d’agir ! Et c’est bien ce que saint Paul dit à son « fils bien-aimé », Timothée, en lui rappelant la grâce qu’il a reçue au jour où il lui a imposé les mains. Par ce geste de Paul, Dieu a donné à Timothée « l’esprit de force, d’amour et de raison » dont il a besoin pour gouverner cette communauté qui lui a été confiée, à lui, Timothée, tout jeune et peu expérimenté.
Le Seigneur a demandé à Habacuc d’avoir foi dans sa promesse ; le Seigneur, par la voix de Paul, demande à Timothée d’avoir foi dans la grâce qui lui a été donnée. La seule raison de croire, pour Habacuc, pour Timothée, pour Paul, finalement, la seule raison de croire, c’est Dieu. Habacuc croit parce que c’est Dieu qui promet, Paul croit parce que c’est Dieu qui donne la grâce, et Timothée croit parce que c’est au Nom de Dieu que Paul lui a donné cette charge si difficile d’annoncer l’Évangile et de gouverner sa communauté.
L’origine, la source de notre foi aujourd’hui, c’est la même que celle de la foi d’Habacuc au VIIème siècle avant Jésus-Christ, c’est la même que celle de la foi de Paul et Timothée au Ier siècle de notre ère. L’origine, la source de notre foi, c’est Dieu, et c’est Dieu seul : Dieu qui promet, Dieu qui agit, Dieu qui donne la grâce.
Et cette foi nous donne la force d’agir : Habacuc écrit, et nous pouvons lire aujourd’hui ce que le Seigneur lui a montré parce qu’il a cru et qu’il a agi. Paul fait trois voyages extrêmement périlleux pour annoncer l’Évangile du Christ aux nations, et il écrit quand il est en prison à cause du Christ. Timothée, soutenu par les écrits et la prière de Paul, continue sa mission d’évêque.
Croire en Dieu, croire en sa promesse, croire en son action, croire en sa grâce nous pousse à agir, à nous engager pour la justice et la vérité, à nous donner à fond dans notre vie de tous les jours, à aimer Dieu et notre prochain… bref, à faire tout ce que Dieu nous a commandé.
Et voilà que Jésus nous assène cette parabole que nous avons entendue tout à l’heure. Nous sommes des esclaves – car il s’agit bien d’esclaves, même si la traduction liturgique adoucit les termes pour les rendre acceptables à nos oreilles modernes –, et des esclaves inutiles de surcroît ? Allons bon !
Non, ce n’est pas ce que Jésus nous dit. Il nous dit plutôt : « quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous, à vous-mêmes : "nous sommes des esclaves inutiles, nous n’avons fait que notre devoir" ». Jésus ne nous parle pas ici de l’attitude de Dieu envers nous, ou de comment lui, Jésus, nous voit. Jésus nous demande de nous voir nous-mêmes comme des esclaves inutiles : un esclave ne cultive pas facilement la gloriole futile, un esclave ne se glorifie pas du beau travail accompli !
Esclave… Ce mot ne vous rappelle-t-il rien ? Allons !
Pour ma part, il me rappelle deux passages – au moins – où ce terme si dur est utilisé :
- Le premier, c’est dans l’épître aux Philippiens : « le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est anéanti, prenant la condition d’esclave » ! Cette condition d’esclave du péché et de la mort qui était la nôtre jusqu’à ce que lui la prenne pour nous en délivrer.
- Le second passage, c’est dans le même évangile de Luc que nous avons lu aujourd’hui, au chapitre 12 : « Heureux les esclaves que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour ».
Non, vraiment, Jésus ne parle pas de lui, dans cette parabole, et il ne nous parle pas de Dieu : il nous donne en exemple un maître bien de ce monde. Voilà bien le retournement de situation évangélique : Jésus, notre maître, se fait notre esclave pour nous retirer de notre situation d’esclaves.
Il s’agit donc, non pas de nous dévaloriser alors que nous avons bien agi, non ! Mais il s’agit plutôt de nous rendre compte que le bien que nous faisons par la foi, c’est un don de Dieu. La promesse, c’est un don de Dieu. La grâce, c’est un don de Dieu. L’action, c’est encore un don de Dieu. Tout, dans notre vie, est don de Dieu, y compris la vie elle-même !
Ce que Jésus nous demande aujourd’hui, c’est, comme toujours – mais Dieu ne change pas, Dieu fait toujours la même chose ! –, de nous mettre à sa suite, de l’imiter, de nous faire esclaves comme lui, c’est-à-dire tout disponibles aux merveilles que le Seigneur veut accomplir par nous… et qu’il ne veut pas faire sans nous !
Ce que Jésus nous demande aujourd’hui, c’est de nous émerveiller des grandes choses comme des petites choses qu’il fait à travers nous sans croire trop vite que nous en sommes l’origine, mais en lui rendant grâce, émerveillés, qu’il ait accepté de se servir de pauvres outils comme nous pour son œuvre !
Ainsi, quand nous franchirons les portes des demeures du Seigneur, et que nous nous présenterons devant lui, nous pourrons, comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus que nous avons fêtée cette semaine, lui dire : « Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. (Is 64,6) Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même. Je ne veux point d’autre Trône et d’autre Couronne que Vous, ô mon Bien-Aimé ! »
(Acte d’Offrance d’elle-même comme victime d’holocauste à l’amour miséricordieux du Bon Dieu)
Commentaires
Merci pour ce partage !
Puis-je émettre une suggestion ? Serait-ce possible de mettre les références des textes prêchés, pour quand on n'a pas le missel sous la main ?
Oups, j'avais oublié !
Je les ai donc rajoutées. J'aurais bien aimé carrément mettre les textes commentés, mais il se trouve que ces textes ne sont pas libres de droits (non, pas de débat sur cette question, c'est comme ça !) et que je ne puis donc malheureusement les copier-coller comme ça sur mon blog... je le regrette.
Vianney.
Merci de nous donner l'opportunité de lire tes homélies, à défaut d'avoir pu les entendre
C'est bien là une grande richesse! et je vais d'ailleurs la relire dès que mes monst... mes charmants enfants cesseront de me crier dans les oreilles.... ^^
Celle-ci n'est pas complète : en effet, à la fin, j'ai rajouté quelque chose, trouvant que finir abruptement sur la citation de sainte Thérèse n'était pas génial... mais je ne sais plus ce que j'ai dit ! De manière générale, je lis mon homélie avec assez de liberté, me laissant la possibilité de la modifier si je le juge bon sur le moment, et priant le Saint-Esprit pour qu'il me guide !
Vianney.
Deux notes seulement sur cette homélie, on pourrait commenter plus.
La première, c'est une note très positive. Il est difficile d'appeler homélie au sens plein un texte tout nu, sans la voix, le regard, le maintien, la gestuelle, la " présence " de celui qui parle de la part de Dieu.
A la lecture, je souligne combien ce texte est lisse, c'est-à-dire sans digressions ni explications inutiles qui accrocheraient et disperseraient l'attention.
C'est assez rare pour être mis en valeur.
Pas d'échardes dans les doigts si on manipule ce texte comme un roseau.
La deuxième, c'est un cadeau personnel que j'y ai accueilli.
Si Dieu accepte de se servir de nous pour son oeuvre, pourquoi suis-je étonnée,
parfois incrédule, lorsqu'il m'est donné d'entendre une musique improbable sortir de ma pauvre petite flûte ?
Je connais des personnes qui sont des Stradivarius...sans le savoir...
Merci pour cette parole, Parole.
Deo gratias !
Vianney.